Newsletter de l'Association Française Indépendante de l'Electricité et du Gaz

  À PROPOS

L’AFIEG regroupe des entreprises françaises et des filiales d’opérateurs européens des secteurs électrique et gazier : Alpiq Energie France, Endesa, Iberdrola, TotalEnergies Electricité et Gaz France, GazelEnergie, Vattenfall, Alterna Énergie. SEFE Energy, BKW France, Enovos et Primeo Energie sont membres associés.

Son objectif est de contribuer au développement d’un marché français plus concurrentiel dans les secteurs de l’électricité et du gaz, tant sur les activités de production et de fourniture d’énergie, que sur les nouveaux métiers et services, afin d’offrir un plus large choix aux consommateurs et d’améliorer la compétitivité de nos industries. L’AFIEG a consolidé sa représentativité en intégrant le Conseil supérieur de l’énergie en 2022.

Forte de son expertise indépendante sur les enjeux énergétiques français fondée sur une présence de plus de dix ans en France, l’AFIEG entretient un dialogue régulier avec les pouvoirs publics pour contribuer à la mise en oeuvre des politiques énergétiques.

L’AFIEG est membre fondateur de l’association européenne représentant les fournisseurs alternatifs, EER – European Energy Retailers – et en assure la présidence en 2023 et 2024.

  ÉDITO: LA NOUVELLE RÉGULATION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ

 

L’édito de Géry Lecerf, Président de l’AFIEG

Nouvelle régulation du nucléaire : une copie à revoir

Fruit d’un accord entre EDF et son unique actionnaire, la nouvelle régulation du nucléaire prévue pour 2026 réalise l’exploit d’être à la fois plus complexe et moins protectrice que l’ARENH. Pour atterrir sur un prix cible moyen de 70 €2022/MWh sur 15 ans, nous est proposée une régulation essentiellement fondée sur les promesses d’EDF en matière de politique commerciale et de production, avec en guise de voiture-balai un “versement universel nucléaire” (VUN) c’est à dire la captation et redistribution des revenus nucléaires selon deux seuils. Si ces seuils sont fixés réglementairement, ils devraient s’établir pour le premier à 78 €2022/ MWh au-delà duquel 50 % des revenus seraient captés, et 110 €2022/MWh au-dessus duquel EDF reverserait 90 % des recettes électronucléaires. Soulignons que ces prix sont en euros 2022 et subiront l’inflation. Il est même envisageable qu’au regard du retour des prix de gros à des niveaux d’avant-crise, les seuils définis ne soient pas mordants, rendant ce versement nucléaire inopérant. Il serait ainsi doublement ironique qu’alors que notre nouveau ministre de l’énergie à Bercy fustigeait un marché de l’électricité “aberrant” et “obsolète”, la nouvelle régulation du nucléaire soit en réalité un mécanisme intégralement fondé sur le marché de gros, et que l’on regrette amèrement l’efficacité de l’ARENH, aussi décrié que mal compris.

En effet, la protection promise est d’autant plus illusoire que le plafonnement du revenu d’EDF n’est en rien un plafonnement de la facture du consommateur : le mécanisme ex post proposé, contrairement à l’ARENH, introduit une déconnection entre les ventes d’EDF et les achats du consommateur. Conséquence : un consommateur peut avoir contracté à 200 €/MWh tandis qu’EDF aura vendu sa production à 100 €/MWh, n’octroyant qu’une redistribution de 10 €/MWh au consommateur (50 % × (100 – 80) = 10). On a connu plus solide comme bouclier anti-crise !

Enfin, rappelons que la crise énergétique, bientôt derrière nous, est avant tout une crise de la production électronucléaire en France. Cette carence est certes en partie conjoncturelle et liée au phénomène de corrosion sous contrainte. Mais elle est aussi structurelle : depuis 2016, le niveau de production s’établit systématiquement très en dessous des 400 TWh annuels qui ont bâti la puissance électrique du pays. Or le projet de loi “souveraineté énergétique” – laquelle passe d’abord par une production nationale suffisante – ne comporte aucune mesure incitant financièrement l’exploitant nucléaire à maximiser sa production.

Corriger le tir suppose une batterie de garde-fous

Pour que la régulation présentée soit acceptable, c’est-à-dire qu’elle offre protection et visibilité au consommateur, tout en lui permettant de faire jouer la concurrence, un panel de conditions s’impose.

Le point indispensable est d’assurer une transparence totale des ventes du producteur nucléaire sur le marché de gros et de donner de la visibilité aux acteurs : cela doit passer par la définition d’une formule de référence appliquée à ces ventes, sous le contrôle de la CRE. Par ailleurs, un mécanisme d’incitation à maximiser la disponibilité du parc doit être défini et pourrait simplement être intégré à cette même formule de référence.

Enfin, traiter le pouvoir de marché de l’opérateur dominant requiert une muraille entre les directions commerciale et nucléaire d’EDF, laquelle garantirait “qu’EDF, en tant que fournisseur, et les fournisseurs concurrents s’approvisionnent en électricité [nucléaire] dans les mêmes conditions”, tel que le requièrent la Commission de régulation de l’énergie et l’Autorité de la concurrence dans leur courrier conjoint au gouvernement à propos de la réforme du marché de l’électricité.

Des règles prudentielles bienvenues sur les fournisseurs

Les fournisseurs responsables, évidemment soucieux de préserver leur équilibre économique, adoptent d’ores et déjà une stratégie d’approvisionnement minimisant les risques liés à la volatilité du marché de gros. C’est une partie intégrante de leur métier.

La crise énergétique a malgré tout montré une certaine hétérogénéité de la solidité financière de certains acteurs de la fourniture. Du fait de l’explosion des prix de gros – à laquelle les fournisseurs sont sensibles –, des stratégies d’approvisionnement risquées ont pu avoir des effets désastreux sur les consommateurs.

L’AFIEG soutient donc le renforcement du contrôle des fournisseurs – disposition également présente dans la réforme européenne du marché de l’électricité – en permettant aux autorités de limiter, réexaminer, suspendre ou annuler l’autorisation d’exercer l’activité de fourniture d’électricité, si certaines obligations prudentielles ne sont pas remplies, “notamment l’obligation d’assurer la couverture des offres qu’ils commercialisent”.

Il est cependant crucial que les fournisseurs restent libres de leur stratégie de couverture. Ces règles prudentielles doivent correspondre à une obligation de résultats en termes de couverture des offres, et non à une obligation de moyens. En particulier, il serait inapplicable et délétère d’imposer aux fournisseurs de couvrir une partie de la consommation de leurs clients à travers des contrats de vente directe (PPA renouvelables), encore peu développés en France (par manque d’offre et non de demande) et dont l’intermittence implique nécessairement un approvisionnement marché.

Géry Lecerf,
Président de l'AFIEG

  PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE :
NÉCESSITÉ FAIT LOI !

Solaire Uniper

L’avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique a d’ores et déjà fait couler beaucoup d’encre. Les silences de son titre premier sur les énergies renouvelables électriques ont finalement fait plus parler que la traduction chiffrée et précise du discours de Belfort concernant la relance du programme nucléaire (9,9 puis 13 GW à engager rapidement). A vrai dire, c’est la dichotomie qui a frappé les esprits lors de sa diffusion : d’un côté, une référence positive mais très littérale aux énergies renouvelables et de l’autre, des volumes et des jalons dans le temps pour le nucléaire. Le Gouvernement vient d’annoncer, depuis, le retrait temporaire du chapitre en question pour prendre le temps d’y réfléchir à nouveau.

Remontons le temps : il y a quelques semaines à peine, se terminait la consultation publique de la stratégie française énergie climat dite SFEC. Et ce document, dont le projet de loi n’est finalement que l’un des quatre piliers, est bien plus bavard en matière de programmation énergétique que ne l’était feu l’avant-projet de loi du mois de décembre. On peut même dire, à quelques scories près, que l’exercice propose une vision de court terme « bouclée ». Cet exercice n’est pas sans rappeler les projections et prospectives de RTE. Cette stratégie avait d’ailleurs fait l’objet de consensus remarquables et assez inédits dans le cadre de groupes de travail réunissant experts et élus.

On y retrouve précisément un tableau, en page 19, qui détaille assez finement les parts de marché des différentes énergies bas-carbone aux horizons 2030 et 2035 pour contribuer concomitamment à baisser nos émissions de gaz à effet de serre et garantir notre sécurité d’approvisionnement. A 2030, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale globale, selon la SFEC, pourrait atteindre 45% contre 21% aujourd’hui avec environ 200 TWh d’électricité renouvelable contre une centaine aujourd’hui. Pour les énergies renouvelables, on est donc loin de la marginalité ou du rôle de pis-aller que pouvaient laisser présupposer les murmures ou les silences de l’avant-projet de loi. C’est même un rôle majeur que la SFEC entend offrir à ces énergies, qu’elles soient thermiques ou électriques. Il semblerait donc naturel que la future programmation pluriannuelle de l’énergie (2024-2028) décline le scénario central de la stratégie française énergie climat pour fixer les volumes aux horizons pertinents.

Alors que le parc automobile a atteint le million de véhicules électriques fin 2023, que les pompes à chaleur s’imposent comme le moyen de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire incontournable dans l’habitat neuf ou en rénovation et que de grands industriels « énergivores » annoncent remplacer leurs consommations fossiles par de l’électricité ou de l’hydrogène vert, il est indispensable de muscler le système électrique avec des moyens de production bas-carbone. Or, d’ici 2035, c’est bien sur les énergies renouvelables que l’on pourra compter quasiment exclusivement pour accroître nos moyens de production sans émettre de CO2. L’avant-projet de loi pourrait, au final, rester silencieux : nécessité fait loi ! C’est bien la principale leçon de la stratégie française énergie climat qui pourrait être simplement déclinée par voie réglementaire.

  ENTRETIEN

 

Vers une concurrence plus équitable dans l’éolien en mer ?
Trois questions à Marie Laetitia Gourdin

 

Quelle est la situation de l’éolien en mer à la suite de l’attribution des derniers appels d’offres ?

Sur huit projets éoliens en mer déjà attribués, cinq l’ont été à l’acteur historique, qui détient donc près de 70% des parts de marché. Ce niveau de concentration, inédit en Europe, a été vivement critiqué par la Commission de Régulation de l’Énergie dans sa Délibération du 9 mars 2023. En dehors de créer un signal particulièrement mauvais vis-à-vis de l’ouverture du marché, cette situation n’est pas pérenne ni souhaitable pour le pays. En effet, un seul opérateur ne peut (et ne doit) pas porter la responsabilité de l’investissement et de l’exploitation de l’ensemble des moyens de production dans un pays (d’autant plus quand celui-ci a le mandat de lancer la construction de six nouveaux EPR2 entre 2035- 2045 !) et c’est aussi priver le marché français de l’expérience d’autres acteurs français et européens. Il en va de la pérennité de la filière en France.

Le Gouvernement a récemment adopté et publié un décret prévoyant la possibilité d’allotir les futurs appels d’offres éoliens en mer, qu’est ce qui change ?

Le 31 décembre 2023, le Gouvernement a publié un décret au JORF qui fait avancer les choses dans le bon sens. Ce décret prévoit que pour les futurs appels d’offres où il y aura plusieurs lots à attribuer (cela pourrait être le cas de l’appel d’offres méditerranéen, dit AO6), les règles suivantes s’appliqueront :

  • Le cahier des charges indique, en cas d’allotissement, le nombre, la taille et l’objet des lots.
  • Le cahier des charges précise si les candidats peuvent soumissionner pour un seul lot, plusieurs lots ou tous les lots et, le cas échéant, le nombre maximal de lots ou la puissance globale maximale qui peut être attribuée à un seul candidat.
  • Dans ce dernier cas, le cahier des charges précise les règles applicables lorsque l’application des critères de notation des offres conduirait à attribuer à un candidat plus que le nombre maximal de lots ou plus que la puissance cumulée maximale.
  • En particulier, les procédures d’attribution peuvent tenir compte de l’ordre d’attribution fixé par le ministre chargé de l’énergie dans le cahier des charges ou du choix indiqué par le soumissionnaire dans son offre.

Pour les futurs appels d’offres, beaucoup restera donc à fixer dans le cahier des charges, dans le cadre du dialogue concurrentiel entre les candidats préqualifiés, mais la possibilité pour le ministre en charge de l’énergie de prévoir un nombre maximal de lot ou une puissance maximale mise en appel d’offres pouvant être attribuée à un seul candidat est un pas de géant pour permettre un meilleur équilibre de la concurrence sur le marché de l’éolien en mer en France.

Le décret étend également l’autorisation de la concession. Celle-ci sera désormais délivrée pour 50 ans et non plus 40 comme auparavant. Cette extension permettra d’assurer la visibilité nécessaire aux opérateurs pour la gestion des parcs.

Et maintenant, quelles sont les perspectives pour l’éolien en mer ?/b>

La filière est en pleine effervescence ! Premièrement, le débat public “La mer en débat” actuellement en cours a notamment vocation à permettre d’identifier précisément la localisation des futurs parcs éoliens en mer d’ici 2035 (et les localisation souhaitées d’ici à 2050). Cette planification spatiale maritime est cruciale et permettra d’accélérer la procédure des futurs projets et de changer d’échelle avec des appels d’offres multi-projets. Par ailleurs, nous attendons aussi la déclinaison réglementaire des ambitions politiques annoncées par le Gouvernement au plus haut niveau, de viser une capacité installée de 18 GW en 2035 et plus de 45 GW en 2050. La future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3 2024-2028) permettra de préciser les localisation et puissances des futurs projets. Et bien entendu, la filière attend le lancement des futurs appels d’offres annoncés : l’appel d’offres dit “extension” des projets existants au large de la Bretagne, Oléron et Méditerranée (dit AO9) et l’appel d’offres 10 GW annoncé pour 2025.

Marie Laetitia Gourdin,
Responsable du Groupe de Travail Communication et Stratégie de l’AFIEG

  ACTUALITÉS

Réforme post ARENH : l’AFIEG salue la prise de position de la CRE et de l’ADLC

Le 20 décembre 2023, l’Autorité de la concurrence (ALDC) et la Commission de régulation de l’énergie (CRE) adressaient un courrier au Gouvernement pour faire part de leurs recommandations quant à la réforme du marché français de l’électricité. Les autorités indépendantes estiment que le traitement ex post de l’enjeu concurrentiel, permis par le droit de la concurrence, « n’est pas suffisant pour assurer des règles du jeu équitables entre EDF et ses concurrents dès la mise en place de la réforme » en raison de « la présence d’un acteur intégré, en position forte et durable car non contestable par les concurrents ». En conséquence, elles jugent nécessaire la mise en place de garde-fous. Cette analyse était déjà celle qui prévalait dans la décision du 12 juin 2012 de la Commission, concluant que « sans d’autres mesures structurelles, le seul contrôle ex post d’éventuels comportements de prix abusifs ne suffirait pas à lui seul pour assurer un fonctionnement optimal [du marché de l’électricité] ». La position dominante de l’acteur historique intégré demeure : elle doit mener aux mêmes remèdes.

L’AFIEG salue cette prise de position indispensable et extrêmement bienvenue qui souligne enfin les enjeux concurrentiels du post-ARENH qui doivent impérativement être pris en compte par le législateur. Plusieurs solutions sont déjà esquissées dans l’avant-projet de loi mais doivent être largement renforcées. Notamment, il est nécessaire définir une comptabilité analytique propre à la production nucléaire et des mécanismes garantissant qu’EDF, en tant que fournisseur, et les fournisseurs concurrents s’approvisionnent en électricité dans les mêmes conditions.

Enfin, ce courrier pose la question de l’accès direct des fournisseurs au nucléaire ou aux partenariats industriels assis sur le nucléaire (CAPN),

au regard de considérations concurrentielles et dans l’intérêt des consommateurs concernés.

Hausse des taxes

A la faveur de la baisse des prix de l’électricité et du gaz, le gouvernement a décidé d’augmenter les accises sur l’électricité (ex-TICFE) et du gaz (ex-TICGN)

Accise sur le gaz : 16,37 €/MWh (contre 8,37 €/MWh)

Accise sur l’électricité :

  • Les consommateurs bénéficiant de tarifs réduits sont maintenus au plancher légal 0,5 €/MWh. Pour tous ceux-là, rien ne change par rapport au régime de bouclier tarifaire.
  • Pour les autres consommateurs, le Ministère de l’Economie a décidé de relever l’accise à 21 €/MWh. Conséquence : les tarifs réglementés de vente devaient demeurer stables à la faveur de la baisse des prix de gros, mais augmenteront finalement du fait de la décision du gouvernement de relever l’accise sur l’électricité.

En 2024, l’électricité est donc plus taxée que le gaz, et ce alors que l’accès à une électricité abordable est crucial pour l’électrification massive des usages, levier indispensable à la transition énergétique.

Hausse des taxes

  BILLET PROSPECTIVE

Le fournisseur, un indispensable maillon de la chaîne de valeur

Dans l’électricité, le monopole intégré historique a pu masquer la réalité de l’activité de fourniture. L’ouverture du marché de l’électricité a simplement rendu la chaîne de valeur plus transparente en rendant évident qu’un consommateur n’achète pas son électricité directement à une centrale, et a permis d’optimiser chaque maillon de cette chaîne, en particulier la fourniture.

En tant qu’intermédiaire (auparavant invisibilisé par le modèle monopolistique), le rôle du fournisseur est souvent mal compris, voire critiqué jusqu’à l’injure. Pourtant le rôle

du fournisseur est essentiel : il joue à la fois le rôle de commerçant et d’assureur.

Comme commerçant, il achète en gros pour revendre au détail, en adaptant l’approvisionnement du consommateur à son profil de consommation et ses préférences. Comme assureur ou gestionnaire de risque, il garantit un prix au consommateur pour le protéger des variations de court terme parfois très brutales sur le marché de gros. Ce rôle pivot s’accompagne de nombreuses responsabilités et risques, que souvent ni les consommateurs ni les producteurs ne sont enclins à prendre : être fournisseur est un métier et comme nous l’ont montré les faillites de certains d’entre eux, il ne s’improvise pas :

A la faveur du développement des énergies renouvelables variables, qui diminuent les prix de gros mais en augmentent la volatilité, le rôle de gestionnaire de risque du fournisseur tend à devenir plus important encore.

De la mauvaise compréhension de ce métier ont pu naître ici où là des injonctions aux fournisseurs à s’intégrer verticalement, c’est-à-dire à produire de l’électricité. Cette injonction se retrouve même dans l’avant-projet de loi pour la souveraineté énergétique, qui entend, dans son exposé des motifs, “[responsabiliser] les fournisseurs, en les encourageant à [...] investir dans les moyens de production nécessaires”.

Tout d’abord, rappelons que l’intégration verticale n’est obligatoire pour aucun commerçant : tout comme un libraire, une station service ou une agence de voyages, un fournisseur ne produit pas nécessairement ce qu’il vend. Et comme nous venons de le constater, si de part la nature même du bienélectricité, le fournisseur ne transporte ni ne stocke, son activité emporte une multitudes de responsabilités et de risques, qu’il gère pour le compte de ses clients. Notons que la loi d’accélération des énergies renouvelables portée par la ministre de la transition énergétique elle-même reconnaît la complexité de ce métier, en introduisant une autorisation administrative pour les producteurs souhaitant contracter un PPA.

En tant qu’ils constituent une option d’approvisionnement supplémentaire, des actifs de production en propre peuvent être très intéressants pour un fournisseur. Seulement pour que ces moyens de production permettent de fournir un portefeuille de clients et se détacher des prix de gros, ceuxci doivent être accessibles en quantités suffisantes, et comprendre des actifs pilotables. En effet une production variable, a fortiori en faible quantité, ne suffit pas à couvrir une part significative de la consommation d’un client.

Jetons donc un oeil aux opportunités d’accès aux capacités pilotables en France :

  • Les investissements dans de nouvelles capacités thermiques, très émettrices de CO2, sont impossibles
  • La base nucléaire est un monopole de fait, l’acteur historique refusant aux fournisseurs l’accès à des droits de tirage sur son parc
  • La pointe hydroélectrique n’a jamais été ouverte aux acteurs tiers, en contradiction avec la loi et le droit communautaire. Le gouvernement prévoit d’ailleurs dans son projet de loi d’entériner cette fermeture en transférant la propriété des barrages à EDF.

Ainsi, la Commission de régulation de l’énergie estimait dans une délibération du 12 octobre 2023 qu’en 2022, EDF détenait 82,6 % des capacités pilotables en France. Quant aux actifs de taille significative, incluant également l’éolien en mer, le bilan s’alourdit encore puisque EDF, a remporté cinq des huit appels d’offres offshore, très aidé par la conception perfectible de leur cahier des charges. Un manque de concurrence que la CRE a elle-même regretté.

Il est donc étonnant que les fournisseurs puissent être “encouragés” à investir dans des capacités de production, alors même que la production est très concentrée autour d’un seul acteur ultra-dominant. Pour que les fournisseurs investissent dans la production, il faudrait d’abord le leur permettre !

Pour cela, il est nécessaire :

  • de donner accès aux fournisseurs à un droit de tirage sur le parc nucléaire d’EDF, contre avance en tête et partage du risque industriel, dans des conditions équivalentes à ce qui serait proposé aux grands industriels via les Contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) ;
  • d’enfin sortir de l’impasse hydroélectrique en appliquant le cadre légal existant, complet et robuste du renouvellement des concessions par appel d’offres. De nombreux fournisseurs, filiales de grands hydrauliciens européens, se porteraient candidats, certains en partenariat avec de grands industriels français ;
  • de mettre effectivement en oeuvre dans les cahiers des charges des futurs appels d’offres éolien en mer multi-lots le décret allotissement et revoir la pondération des critères prix et hors-prix dans la notation pour permettre une plus grande diversité des opérateurs en France.

  HYDROÉLECTRICITÉ : L’ÉTAT VEUT
PERDRE LA PROPRIÉTÉ DES BARRAGES

HYDROÉLECTRICITÉ : L’ÉTAT VEUT PERDRE LA PROPRIÉTÉ DES BARRAGES

L’hydroélectricité est aujourd’hui à la croisée des chemins. Le statu quo dans lequel elle a été enfermée depuis plus de 15 ans est délétère pour toute la filière.

La loi française a pourtant été complétée en 2015. Elle a notamment permis aux collectivités locales de participer à l’exploitation des concessions à travers des SEM-H, suscitant l’appétence par exemple du département de la Savoie ou de collectivités pyrénéennes. Elle a également clarifié les problématiques de regroupement des concessions. Sans compter la question des salariés attachés à une concession renouvelée par appel d’offres à qui s’applique le statut des IEG et qui bénéficient d’un droit d’option pour les salariés attachés à l’ouvrage remis en concurrence, qui peuvent faire le choix de demeurer attachés à cet ouvrage en étant employés par le nouveau concessionnaire ou bien de rester salariés du concessionnaire sortant.

Malgré cet encadrement et un cadre stabilisé depuis 8 ans, le renouvellement des concessions n’a pas été mis en oeuvre. Résultat : une quarantaine de concessions sont échues et n’ont pas été renouvelées (elles seront 61 à fin 2025).

Alors que les investissements dans l’actif hydraulique sont plus que jamais nécessaires à une transition énergétique réussie, c’est-à-dire qui garantit la sécurité d’approvisionnement, il nous est expliqué aujourd’hui que la procédure de renouvellement prendrait trop de temps et qu’il faut donc faire table rase du régime concessif en programmant la cession des barrages aux concessionnaires existants, à travers le passage en régime d’autorisation.

Révélé en mai 2023 par la presse et à présent formalisé, ce projet souffre de fortes limites juridiques, de nature à attiser le contentieux qu’il est censé résoudre.

Un abus automatique de position dominante

Le droit de la concurrence interdit toute disposition renforçant la position dominante d’une entreprise publique. Or, céder les barrages sous régime concessif à EDF, acteur dominant a minima sur la production en France et évidemment public,

entre de plain-pied dans cette qualification. Cette consécration de la fermeture de l’hydroélectricité serait d’autant plus dommageable que dans le contexte de la fin de l’ARENH, les acteurs alternatifs pourraient faire définitivement une croix sur un accès à une production pilotable française en quantité significative.

Un contournement qui ouvrirait de nouveaux fronts contentieux

Loin de mettre en oeuvre « les dispositions nécessaires à la mise en conformité au droit européen du régime des concessions hydroélectriques », un tel transfert sera perçu comme un contournement de la directive de 2014 sur l’attribution des concessions. Il n’est ainsi guère étonnant de lire dans la presse que la Commission refuse catégoriquement ce schéma et que tout passage en force aboutirait à l’ouverture d’un nouveau contentieux.

En effet la bascule vers un régime d’autorisation impliquant la cession d’une propriété de l’État ne peut se faire qu’à la suite d’une procédure de publicité et de mise en concurrence. Or le projet du gouvernement prévoit explicitement une priorité accordée aux concessionnaires actuels.

En tout état de cause, cette « mise en conformité » ne peut passer que par l’application effective du cadre légal existant, complet et robuste, et qui consiste à renouveler les concessions par appels d’offres. Que le meilleur l’emporte !

Partager la charge de l’investissements entre plusieurs acteurs en préservant le contrôle de l’État

EDF est endetté à hauteur de 65 milliards d’euros et selon son PDG Luc Rémont va devoir porter ses investissements à 25 milliards d’euros par an pour prolonger la durée de vie du parc nucléaire existant et construire de nouveaux réacteurs en France.

Dès lors, est-il rationnel de faire porter à l’entreprise publique la totalité des investissements dans la production hydraulique, alors que plusieurs acteurs européens se portent candidats pour y participer, notamment en partenariat avec de grands industriels français désireux de sécuriser leur approvisionnement comme les y incitent d’ailleurs les nouvelles orientations européennes ?

In fine, le schéma envisagé se ferait surtout au détriment de l’État, qui perdrait la propriété des barrages, des biens pourtant « nécessaires au service public national de l’électricité »

  ACTUALITÉS DES MEMBRES

Alterna energie

  • Alterna énergie a rejoint l’AFIEG comme membre de plein exercice en décembre 2023. Alterna énergie est un fournisseur-producteur alternatif d’énergie verte qui rapproche consommateurs et producteurs dans une logique de circuit court. Né en 2005, il regroupe aujourd’hui 50 entreprises locales d’énergie (ELE) pionnières dans le développement des énergies renouvelables partout en France. Grâce à ce modèle mutualiste unique, Alterna énergie développe des modèles innovants avec, toujours comme fil conducteur, la volonté d’aider les consommateurs à prendre en main leur transition énergétique et réduire leur empreinte écologique. Au-delà de ses offres personnalisées de fourniture d’électricité et de gaz, il propose des solutions d’autoconsommation, de services énergétiques et de PPA court et long terme. Fort de son expérience, Alterna énergie a récemment publié un livre blanc “L’essentiel des PPA : un guide pratique pour entrer dans le futur des énergies renouvelables”, co-écrit avec Sia Partners.

ALPIQ

  • Alpiq est à nouveau lauréat de l’appel d’offres visant à contractualiser 750 MW de réserves rapide et complémentaire en 2024. Ce mécanisme mobilise la capacité

de certains producteurs ou consommateurs à moduler leur puissance pour rétablir l’équilibre du réseau électrique. Alpiq est également lauréat de l’Appel d’Offre Effacement pour 2024, le dispositif de soutien aux effacements de consommation complémentaire au mécanisme de capacité.

VATTENFALL

  • Vattenfall met en service son parc éolien en mer Vesterhav Sud au Danemark. Le 9 janvier 2024, Vattenfall a annoncé que 100% de son parc éolien en mer Vesterhav Sud était dorénavant mis en service, fournissant de l’électricité renouvelable à 170 000 foyers danois. Vattenfall exploite dorénavant 14 parcs éoliens en mer, soit > 4,6 GW dans cinq pays en Europe.

SEFE

  • Maria Meneses, rejoint l’équipe Régulation d’Endesa. Auparavant Maria a occupé diverses fonctions chez Endesa, et d’autres fournisseurs d’énergie, dans l’analyse marché et la business intelligence

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