Newsletter de l'Association Française Indépendante de l'Electricité et du Gaz

  QUI SOMMES-NOUS ?

Créée en 2012, l’AFIEG regroupe des entreprises françaises et des filiales d’opérateurs européens des secteurs électrique et gazier : Alpiq Énergie France, Alterna énergie, Endesa, GazelEnergie, Iberdrola Énergie France, Primeo Énergie, TotalEnergies Électricité et Gaz France, Vattenfall et SEFE. Axpo, BKW France et Enovos sont membres associés.

Son objectif est de contribuer au développement d’un marché français plus concurrentiel dans les secteurs de l’électricité et du gaz, tant sur les activités de production et de fourniture d’énergie, que sur les nouveaux métiers et services afin d’offrir un plus large choix aux consommateurs et d’améliorer la compétitivité de nos industries.

Forte de son expertise indépendante sur les enjeux énergétiques français et d’une présence de ses membres depuis les débuts de l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz en France, l’AFIEG entretient un dialogue régulier avec les pouvoirs publics pour contribuer à la mise en œuvre des politiques énergétiques.

L’AFIEG est membre fondateur de l’association européenne représentant les fournisseurs alternatifs, EER – European Energy Retailers.

L’AFIEG est par ailleurs membre du Conseil supérieur de l’Energie, instance consultative qui assure un dialogue régulier et une association étroite des principales parties prenantes du secteur de l’énergie dans la construction de la politique énergétique du Gouvernement.

  ÉDITO : LES MOTS DU PRÉSIDENT

 

Par Géry Lecerf

L’instabilité gouvernementale qui affecte désormais la France n’est une bonne nouvelle pour aucun secteur économique.

Si les secteurs de l’électricité et du gaz ne font pas exception, ils sont pourtant habitués aux revirements et à la procrastination politiques. En effet, la mise en place de politiques publiques ou de mécanisme de régulation de manière précipitée ou à la dernière minute sont monnaie courante dans le secteur de l’énergie : les cadres réglementaires de l’ARENH (2011), du mécanisme de capacité (2016) ou du stockage de gaz (2018) furent ainsi stabilisés seulement quelques semaines avant leur mise en œuvre. Pendant la crise, les dispositifs d’aide furent évidemment pris de manière précipitée, mais sans que le financement et la compensation des différents acteurs n’aient été anticipés, menant ainsi à des allers-et-retours permanents et à un empilement de démarches administratives inextricables. Sans parler d’absence de visibilité chronique, comme dans le cas des périodes des certificats d’économie d’énergie (CEE) dont les paramètres ne sont jamais fixés plus de 6 mois avant le début d’une période. Et bien sûr, si les atermoiements actuels autour de la PPE, vous affligent, dites-vous que l’accouchement des précédentes ne furent pas non plus un chemin pavé de pétales de roses.

Toutefois, à l’orée de l’année 2026, ce qui relevait de l’habitude prend une tournure autrement plus préoccupante : aucun des mécanismes prévus de s’appliquer l’an prochain ne bénéficie d’un cadre réglementaire complet !

La PPE 3, bien entendu, érigée en totem politique, est plus que jamais coincée dans les limbes des imbroglios politiques. C’est pourtant une feuille de route qui est supposée permettre la bonne mise en œuvre des investissements et des mécanismes de soutien … pour la période 2024-2028 (!).

En matière de CEE, c’est tout le cadre de la sixième période (2026-2030) qui est suspendu à un décret non encore publié à 3 mois de son démarrage.

Le mécanisme de capacité, pilier de la sécurité d’approvisionnement, dont le cadre réformé doit prendre effet en 2026, attend quant à lui une décision de la Commission européenne sur la base d’une notification de la France, ainsi qu’un décret et plus de 300 pages de règles.

Le successeur de l’ARENH, le Versement Nucléaire Universel (VNU), certes peu voire inopérant, est supposé lui aussi pouvoir s’appliquer dès 2026, avec une mise en œuvre par les fournisseurs qui n’a toujours pas de base réglementaire.

Le mécanisme de certificats de production biogaz qui débute en 2026, ne bénéficie toujours pas d’un marché secondaire organisé ni d’objectifs de production définis au-delà de 2028.

Le mécanisme d’échange de quotas carbone étendu notamment à la petite industrie (ETS2), n’a pas fait l’objet d’une transposition en droit français, alors même qu’il prend effet en 2027, avec un besoin d’anticipation évident des acteurs et une indispensable politique d’accompagnement des consommateurs.

Enfin, cerise sur le gâteau, trouver un véhicule législatif robuste en matière d’énergie est désormais une gageure, comme en témoigne le parcours du combattant des récents projets et proposition de loi.

Il est urgent que le temps politique s’adapte au temps économique qui ne peut se satisfaire de coups d’arrêts et d’incertitudes permanentes. Au-delà du besoin de visibilité, c’est aussi la crédibilité et l’efficacité des mécanismes de régulation qui est en jeu. La contrainte de la régulation n’est en effet acceptable que si elle démontre sa capacité à apporter un surplus en termes de bien être collectif.

Géry Lecerf,
Président de l'AFIEG

  FOCUS : PROGRAMMATION ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE - UN HORIZON INCERTAIN POUR LA FILÈRE QUI IMPACTE LES FRANÇAIS

1. Pourquoi la programmation énergétique est-elle cruciale pour la France ?

La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) est la feuille de route qui guide la politique énergétique française sur dix ans, avec pour objectif la neutralité carbone en 2050. Instituée par la loi de transition énergétique de 2015, elle fixe des objectifs précis en matière de production, de consommation et d’infrastructures énergétiques, tout en assurant la sécurité d’approvisionnement à un coût compétitif. Cette planification est essentielle pour répondre à trois enjeux majeurs : garantir l’indépendance énergétique, proposer des prix compétitifs pour les ménages et les entreprises, et réduire l’impact carbone pour lutter contre le changement climatique. L’électricité bas-carbone française est parmi les moins chères d’Europe. En électrifiant les usages comme les transports (où 90 % de l’énergie consommée en 2023 provient du pétrole) ou le chauffage (où les deux tiers de la chaleur sont produits par des énergies fossiles), la France peut remplacer les énergies fossiles par une électricité bas-carbone, issue du nucléaire et des énergies renouvelables moins polluantes et ainsi atteindre son objectif de neutralité carbone à horizon 2050. Cependant, sans PPE, il ne peut y avoir de visibilité sur le lancement des nouveaux projets. C’est une difficulté majeure pour les acteurs de la filière énergétique pour planifier leurs investissements de développement en France, comme les 14 nouveaux réacteurs nucléaires envisagés ou les 45 GW de capacité éolienne installée en mer d’ici 2050. Sans cette vision stratégique et les engagements industriels qui y sont associés, à court et à moyen terme, cette situation risque d’impacter les emplois de la filière, notamment les fournisseurs français et européens qui n’ont pas de carnet de commandes pour les prochaines années.

2. Quels sont les impacts des retards dans l’adoption de la PPE3 ?

L’article L100-1 A du Code de l’énergie prévoit qu’avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Cette loi n’a pas été présentée dans les temps par le Gouvernement, qui a néanmoins déposé un projet de loi pour la souveraineté énergétique début 2024. Or, celui-ci a finalement été abandonné suite à la dissolution de l’Assemblée nationale en juillet de la même année, accentuant l’instabilité politique qui freine la planification énergétique. Par ailleurs, le décret de la PPE3 (2024-2028), attendu pour clarifier les objectifs à 10 ans, reste en attente malgré de multiples consultations publiques depuis 2023. Récemment, le Premier ministre François Bayrou a reporté sa publication, pourtant promise par le Ministre de l’énergie pour fin juillet 2025, arguant qu’elle pourrait court-circuiter les débats parlementaires autour de la proposition de loi dite Grémillet dont la navette parlementaire devait s’achever cet automne, mais dont le calendrier est remis en question suite à la chute du Gouvernement Bayrou le 8 septembre. Pour autant, le contenu du texte de la PPL Grémillet, tel qu’il est issu du débat parlementaire, n’est pas contradictoire avec le texte actuel de la PPE3. Cette cacophonie illustre malheureusement

les divergences politiques qui scindent les ambitions françaises en matière de programmation énergétique. Schématiquement, la gauche promeut les énergies renouvelables (EnR), le centre prône un équilibre entre nucléaire et EnR, tandis que la droite et l’extrême droite s’opposent aux EnR au profit du nucléaire. Ces oppositions créent un vide programmatique, retardant les investissements et fragilisant la filière énergétique en général, alors que le rapport RTE de 2021 soulignait pourtant la complémentarité entre nucléaire et renouvelables pour un mix énergétique décarboné d’ici 2050 et répondre à la demande qui va augmenter avec l’électrification du transport et de l’industrie.

3. Comment avancer vers une stratégie énergétique cohérente ?

Pour sortir de l’impasse, il est urgent de dépasser les clivages idéologiques et de s’appuyer sur des données objectives, comme celles du rapport RTE « Futurs énergétiques 2050 » publié initialement en 2021 puis mis à jour depuis, qui démontre qu’un mix à 50 % de nucléaire et 40 % renouvelables dans la production électrique d’ici 2035 est optimal pour atteindre la neutralité carbone. En effet, le pas de temps des projets n’est pas le même entre une centrale nucléaire dont la mise en service n’interviendra pas avant 2035 et les besoins en électricité qui peuvent être couverts par les nouveaux projets renouvelables avant cette échéance, tout en créant des emplois locaux non délocalisables. Par ailleurs, contrairement à ce que certains préconisent au regard du ralentissement de l’électrification des usages dû notamment à un déploiement plus lent que prévu des véhicules électriques et de la décarbonation de l’industrie, l’électrification doit être accélérée. Elle permet de réduire la dépendance aux énergies fossiles (56,5 % de la consommation finale d’énergie en 2023, objectif de 29 % en 2035 – source SFEC 2023 et DataLab édition 2024), de limiter les émissions de gaz à effet de serre, et de proposer des solutions énergétiques compétitives pour les entreprises et les ménages. La publication rapide du décret PPE3, intégrant des objectifs chiffrés pour le nucléaire et les EnR, est indispensable pour donner un cadre stable aux acteurs économiques. La France ne peut se permettre de nouveaux retards : chaque année de retard coûte environ 60 Md€ dans le déficit commercial énergétique, à cause de la dépendance aux importations de gaz et de pétrole exacerbée par la volatilité des cours de l’énergie et l’instabilité géopolitique mondiale, et compromet ses engagements climatiques. Marie Laetitia Gourdin, Responsable du Groupe de Travail Communication et Stratégie de l’AFIEG

Marie Laetitia Gourdin,
Responsable du Groupe de Travail Communication et Stratégie de l’AFIEG

Brigadel Uniper
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c’est le nombre de mois qui se sont écoulés depuis le 1er juillet 2023, date butoir de l’adoption de la loi programmatique sur le futur énergétique de la France, telle que fixée par la loi énergie-climat du 8 novembre 2019.

26 mois de retard qui a affecté également la publication du décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie pour la période 2024-2028 (dite PPE3), un texte essentiel pour le lancement de nouveaux projets énergétiques. L’affaire prend des airs de feuilleton interminable. Pourtant, que de temps et d’énergie passés à débattre, concerter, rédiger. Que de groupes de travail, de consultations publiques, de versions révisées … et de dates de publication annoncées et sans cesse repoussées ! Le dernier épisode en date ? La publication manquée de la PPE3 le 31 juillet : alors que toutes les signatures étaient apposées sur le décret, le Premier ministre François Bayrou a préféré reporter la publication au grand damne des acteurs de la filière énergétique. Son gouvernement est dorénavant tombé et le pays n’a toujours pas de programmation énergétique. La publication de ce texte est plus que jamais indispensable pour les acteurs de la filière, qui ont besoin de visibilité pour planifier leurs investissements, dans un contexte de concurrence internationale toujours plus pressant, et pour les consommateurs qui doivent pouvoir continuer de bénéficier d’une énergie décarbonée et compétitive.

  AFIEG EXPLIQUE :
LE VERSEMENT NUCLÉAIRE UNIVERSEL EST-IL PLUS OU MOINS PROTECTEUR POUR LE CONSOMMATEUR QUE L’ARENH ?

Le principe du Versement Nucléaire Universel (VNU) figure dans l’accord Etat-EDF de novembre 2023. Son mécanisme est instauré partiellement par la loi de finances pour 2025 (LFI 2025) et dont le détail doit être précisé par décrets dont certains sont encore à paraitre. Le mécanisme repose :

• D’une part, sur un prélèvement fiscal d’EDF sur les revenus du parc électronucléaire existant (au 1er janvier 2026) pour une année de livraison donnée :
> De 50 % au-delà d’un seuil dit « de taxation » ;
> De 90 % au-delà d’un seuil dit « d’écrêtement ».
Les valeurs de ces seuils seront fixées par décret (les seuils inscrits dans l’accord de 2023 étaient de 78 €2022/MWh pour le seuil de taxation et 110 €2022/MWh pour le seuil d’écrêtement).

• D’autre part, sur le transfert des recettes issues de ce prélèvement aux consommateurs d’électricité, via une réduction appliquée sur la facture, en €/MWh, automatiquement appliquée à l’ensemble des contrats de fourniture quel que soit le fournisseur. Son montant unitaire sera déterminé de manière à redistribuer intégralement les sommes perçues via la nouvelle taxe nucléaire. La réduction sera ensuite appliquée sur les consommations estivales (« période d’application ») de chaque client.

ARENH versus VNU ? Quel mécanisme est le plus protecteur pour les consommateurs ?

De manière générale et en moyenne sur l’ensemble des consommateurs français, le VNU :

• Est moins protecteur que l’ARENH lorsque les prix de marché sont autour du niveau de prix cible de vente de l’électricité nucléaire envisagé par le Gouvernement (70 €/ MWh). En effet, le VNU n’est activé qu’au-delà d’un seuil de taxation (78 €/MWh), alors que l’ARENH a un impact à la baisse sur les factures des consommateurs dès que les prix de marché dépassent 42 €/MWh ;

• Est plus protecteur que l’ARENH si les prix augmentent très fortement : en effet, l’ARENH ne porte que sur une partie de l’approvisionnement des clients (droits ARENH limités à 100 TWh pour l’ensemble des fournisseurs alternatifs) alors que la taxation porte sur la majeure partie du productible nucléaire d’EDF, hors volumes souscrits sous CAPN, et peut atteindre 90 % si les prix dépassent le seuil d’écrêtement.

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Le caractère protecteur du VNU comparé à l’ARENH dépend en outre du type d’offre considéré :

• Effet du VNU sur les tarifs réglementés et offres indexées sur le tarif réglementé

Le tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE) est construit par la CRE en utilisant un lissage sur les prix observés sur les 2 ans précédant l’année de livraison considérée, minorée de l’éventuelle redistribution du VNU.

Toutes choses égales par ailleurs, et comme l’a montré l’étude de l’association de consommateur de l’UFC-Que choisir, la réforme des TRVE associée à la disparition de l’ARENH au profit du VNU, a bien un impact inflationniste.

Associée à la hausse de l’accise sur l’électricité (ex-TICFE), cette réforme empêche les tarifs réglementés de pleinement bénéficier de la sortie de crise énergétique et de la baisse des prix de gros de l’électricité :

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Calculs sur les données de marché d’avril 2025, semblables aux niveaux actuels

• Effet du VNU sur les entreprises

Pour les clients professionnels et notamment les industries, le prix de fourniture dépend du prix de marché au moment de la signature du contrat. Le lien entre ce prix et le VNU est donc très faible, car le VNU est calculé sur l’ensemble de la période de vente d’EDF, tandis que le client reste exposé aux variations du marché.

Concrètement, une entreprise qui signe ou renouvelle son contrat de fourniture “au mauvais moment” à un prix élevé, risque d’être très peu protégée par le VNU si par ailleurs le prix de vente moyen du nucléaire sur l’année est moindre.

Par exemple, si une nouvelle crise intervient au 2nd semestre d’une année donnée avec un doublement du prix de gros (qui passerait de 60 €/MWh à 120 €/MWh), les clients qui signeront au cours de cette période paieront environ 115 €/ MWh, bénéficiant d’une minoration de seulement 5 €/MWh1.

En conclusion, même avec le VNU, les clients à prix fixe restent sensibles aux fluctuations du marché.

[1] Sous l’hypothèse que les seuils retenus pour le VNU sont ceux de l’accord État-EDF de novembre 2023 et d’un revenu moyen annuel du nucléaire égal à la moyenne des prix de gros.

  BILLET PROSPECTIVE : HYDROÉLECTRICITÉ - VERS UNE SORTIE DU CONTENTIEUX SUR LE RENOUVELLEMENT DES CONCESSIONS

Barrage

Tout d’abord, l’AFIEG, comme tous les autres acteurs responsables, souhaite sortir l’hydroélectricité de la situation délétère dans laquelle les gouvernements successifs l’ont enfermée.

L’AFIEG s’est positionnée depuis 2012 sur l’avenir des concessions hydroélectriques. Elle comprend parmi ses membres de grands hydrauliciens européens, désireux de pouvoir investir et exploiter des ouvrages en France, dans le prolongement de leur présence sur d’autres segments du marché de l’électricité : fourniture (avec un souhait naturel d’intégration amont aval, dont l’absence est d’ailleurs souvent reprochée de manière aux alternatifs), production, agrégation ...

L’AFIEG rappelle que la loi française et le cadre communautaire imposent un renouvellement par appel à projet en fin de concession.

Le régime concessif permet de préserver le patrimoine public en maintenant la propriété des ouvrages par l’État tout énonçant l’impératif d’ordre public imposant de garantir, par une remise en concurrence périodique du concessionnaire, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation (loi Sapin). Cette organisation demeure en l’état la meilleure gestion possible de tels des actifs de production, qui sont également des ouvrages sensibles concernant la gestion de l’eau.

En application de la loi, l’Etat s’était donc engagé dès 2008 dans une politique très volontariste de renouvellements anticipés de concessions hydroélectriques, aujourd’hui attribuées à EDF, à la SHEM et la CNR, pour procéder à des regroupements d’installations hydroélectriques d’une même vallée. Or, malgré l’expiration de nombreuses concessions à partir de 2012, et malgré un encadrement et un cadre stabilisé depuis 2015, aucun renouvellement n’a eu lieu depuis lors.

Cet immobilisme :

• a pu justifier un sous-investissement de la part des opérateurs en place (sans que le cadre concessif soit en lui même défavorable à l’investissement) ;

• génère une gestion énergétique, environnementale et locale a priori obsolète (l’Etat par les appels d’offres, devait choisir les offres les plus susceptibles d’optimiser cette gestion sur la base d’un état des lieux établi par les dossiers de fin de concession) ;

• un manque à gagner en termes de redevances au profit des collectivités locales et de l’État, conduisant certaines collectivités à se retourner contre l’Etat2.

[2] Par deux arrêts du 13 novembre 2024, la Cour administrative d’appel de Paris a fait droit aux demandes indemnitaires du Département des Pyrénées- Atlantiques et de la Communauté de communes de la Vallée d’Ossau fondées sur l’absence de versement d’une partie de la redevance des concessions hydrauliques de la vallée d’Ossau du fait du non-renouvellement fautif de l’Etat de ces concessions.

Une soixantaine de concessions dans une situation juridique ubuesque

Selon la Commission d’enquête du Sénat de juillet 2024, le nombre de concessions échues devrait être de 61 au 31 décembre 2025. Ces concessions continuent d’être exploitées par les concessionnaires actuels selon le régime de l’exploitation en délais glissants. Or, tel qu’il est appliqué aujourd’hui, ce régime n’est pas fondé juridiquement : selon l’article 521-16 du code de l’énergie, il ne devrait s’appliquer que si une procédure de mise en concurrence avait été entamée afin de maintenir le concessionnaire en place le temps de la procédure. Or dans la totalité des cas, aucune procédure de mise en concurrence n’a été engagée. Autrement dit, le principe du délai glissant est aujourd’hui appliqué sans que la condition légale de sa mise en œuvre ne soit réalisée.



Les contentieux européens sont nés de l’inaction de l’administration

En 2018, la Cour de comptes a déploré une « inaction [de l’administration française] à l’origine [des] contentieux européens qui justifie à son tour l’inaction » (Cour des comptes, Analyse d’exécution budgétaire). Ces deux mises en demeure de la Commission européenne sont les suivantes :

• en 2015 : mise en demeure de la France relative aux concessions hydroélectriques attribuées principalement à EDF. Par cette procédure, fondée sur l’article 106 (exclusivité) du TFUE en liaison avec l’article 102 (position dominante induite sur le marché de la fourniture d’électricité) du même traité ;

• en 2018 : mise en demeure de la France pour remettre en cause du renouvellement automatique, sans mise en concurrence, des concessions au regard des règles de la commande publique, c’est-à-dire de la directive « concessions » de 2014 et de la directive « services dans le marché intérieur » de 2006.

Graph parts

Légende : estimation des parts de marchés des principaux opérateurs d’hydroélectricité dans la grande hydroélectricité en Europe (>4,5 MW). Source : rapports annuels d’entreprises, factbooks, agences nationales, articles et compilation IA.

Vers une sortie du blocage par le partage de la valeur entre acteurs du système, jusqu’au consommateur

Les autorités françaises se refusent à appliquer la loi et souhaitent se laisser la possibilité de maintenir l’exploitation des ouvrages par les opérateurs historiques. Pour ce faire, plusieurs options ont été examinées par le Sénat et l’Assemblée nationale (rapport Battistel-Bolo). Les autorités françaises privilégient aujourd’hui un transfert des ouvrages vers un régime d’autorisation.

Par ailleurs, comme l’a souligné le rapport Battistel-Bolo, il convient de considérer avec sérieux la mise en place de “mesures compensatoires” : “s’il s’avère qu’un système de contreparties permet vraiment de clore les deux procédures européennes, il doit être envisagé avec attention.” C’est en effet une voie qui s’impose : au regard des motifs des contentieux, la robustesse juridique et économique de la solution envisagée ne peut donc être assurée que si la perte d’opportunité pour les opérateurs tiers, causée par l’entérinement de l’exploitation au profit des seuls acteurs historiques, est réellement compensée. Ainsi, que l’on soit en faveur ou en défaveur de l’application du cadre légal actuel (qui prévoit un renouvellement de concession par appels d’offres), il convient de prendre en compte ces contentieux avec sérieux : tout choix qui aboutirait à reconduire les concessionnaires en place devra s’accompagner de contreparties.

C’est dans cette perspective que les autorités françaises ont annoncé le 28 août qu’un accord de principe avait été convenu entre la France et la Commission européenne pour résoudre les contentieux européens. En contrepartie du transfert des ouvrages hydroélectriques vers un régime d’autorisation au profit des concessionnaires actuels, les autorités proposent une mise en vente d’une partie de la production de ces installations

à travers un panier de produits permettant de refléter l’ensemble des services offerts par les différentes installations. Ils prendraient la forme de produits s’apparentant plus ou moins à des centrales virtuelles.

Cette mise aux enchères de capacités virtuelles ne constituerait en aucun cas une prétendue spoliation mais correspond à un mécanisme couramment mis en œuvre en Europe. Il permettra aux énergéticiens qui y souscriront d’équilibrer leurs portefeuilles au bénéfice des consommateurs et des producteurs.

Un besoin de clarification et d’assurance d’équité pour tous les acteurs.

L’AFIEG salue l’esprit dans lequel s’inscrit cet accord à savoir une prise en compte réaliste des contentieux européens.

Cependant, l’AFIEG s’interroge sur les modalités du passage à un régime d’autorisation pour l’exploitation des actifs hydroélectriques de plus de 4,5 MW, au bénéfice des exploitants en place. A l’inverse du régime concessif qui garantit la propriété étatique des ouvrages, l’autorisation pose la question du transfert de propriété à des acteurs privés, lequel ne saurait s’effectuer à titre gracieux. En outre, un passage au régime d’autorisation sans transfert de propriété est un objet juridique non identifié dont la robustesse questionne et pourrait être source de nouveaux contentieux.

Par ailleurs, dans une logique cohérente avec le droit de la concurrence, les capacités mises aux enchères devraient être dimensionnées à la hauteur de la perte d’opportunité pour les hydrauliciens d’exploiter des concessions en propre, soit au moins 12 GW.

Enfin, des précisions sont attendues quant aux différents types de produits mis aux enchères sous l’égide de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ces produits devront réellement correspondre à des centrales virtuelles avec un véritable accès à toute la flexibilité des ouvrages.

Le principe de la centrale virtuelle (en anglais Virtual Power Plant) est un outil classique en Europe. Il permet de gérer des actifs d’énergie avec de multiples partenaires disposant soit de participations dans l’actif (multi-propriétaires) ou de droits de tirage, tout en maintenant un exploitant unique. EDF bénéficie de centrales virtuelles dans divers ouvrages par exemple en Suisse ou en Espagne. La centrale virtuelle implique une forme de partage de risque plus ou moins important. Elle peut correspondre soit à une centrale ou d’un bassin fictif répliquant les caractéristiques d’un aménagement, soit à un pool de centrales fictives répliquant les caractéristiques d’un portefeuille de centrales.

Pour les opérateurs, l’accès proposé aux produits hydroélectriques permettrait :

• La couverture de base d’un portefeuille de consommateurs ;
• La couverture plus fine de la forme d’un portefeuille de consommateurs ;
• La valorisation des capacités de flexibilité des installations hydroélectriques.

Les deux produits de couverture de portefeuille (base et forme) envisagés permettraient de minimiser le coût pour le consommateur, équivalent à l’accès d’un acteur intégré au productible hydraulique.

En effet, l’approvisionnement physique, appels de marge, permis par cette mise en vente, présente en lui-même un intérêt structurant : il réduit le risque sur la trésorerie du fournisseur. Sur les marchés, plus la durée entre l’achat et la consommation de l’électricité est longue, plus ce risque est important.

L’accès à des produits physiques permettrait de réduire le prix à court terme mais aussi de proposer des contrats moyen- terme plus compétitifs pour le consommateur.

Par ailleurs, la différence de granularité entre la forme fine d’une courbe de charge prévisionnelle d’un consommateur et la forme plus grossière des produits disponibles sur le marché entraîne un écart lors de l’achat d’électricité pour un consommateur. Cet écart présente un risque financier pour le fournisseur et se traduit par un premium appliqué au consommateur.

L’accès plus tôt à des produits plus fins, comme les produits de forme, permettra de réduire cet écart plus rapidement et donc de minimiser le risque pour le fournisseur. Cela se traduira par une baisse de prix pour le consommateur. Pour le dernier produit, qui pourrait prendre la forme de centrales virtuelles, il est celui qui s’apparente le plus à l’exploitation en directe d’un actif hydroélectrique.

La mise en vente sous la forme de centrales virtuelles fera bénéficier de produits bruts sur lesquels les acteurs lauréats de la centrale virtuelle peuvent appliquer leur stratégie de valorisation, notamment sur les mécanismes de flexibilités. Ce produit permet de transférer la valeur de l’actif vers les détenteurs de parts dans la centrale virtuelle et ainsi réduire le préjudice d’une absence de remise en concurrence des concessions. Ce transfert permet également de rééquilibrer le rapport de force sur les marchés des services système, dans une forte mesure, et de capacité, dans une moindre mesure, aujourd’hui dominés par le producteur historique.

Stéphane Radureau,
Président du collège électricité de l’AFIEG

  ACTUALITÉS DES MEMBRES

VATTENFALL

Vattenfall sélectionne des fournisseurs dans le cadre de son nouveau projet nucléaire en Suède. Une nouvelle étape a été franchie le 21 août dernier avec la décision de Vattenfall de sélectionner l’entreprise américaine GE Vernova et la société britannique Rolls-Royce SMR pour la dernière étape du choix du fournisseur pour le futur projet nucléaire en Suède du groupe qui sera situé proche des réacteurs de Ringhals 1 et 2. Ces deux fournisseurs produisent des petits réacteurs modulaires (SMR) et sont considérés par Vattenfall comme la solution la plus pertinente pour livrer dans des délais et des budgets raisonnables le projet, en tenant compte des conditions spécifiques de la péninsule de Värö, sur la côte ouest de la Suède. Le processus se poursuit désormais en vue de sélectionner le fournisseur final.

ALPIQ

Alpiq renforce sa position de fournisseur de flexibilité avec la construction d’un système de stockage d’énergie par batterie (battery energy storage system ‑ BESS) dans le nord de la France. Cette batterie à grande échelle - elle disposera d’une puissance de 100 MW et d’une capacité de stockage de 200 MWh ‑ sera située dans le département de l’Oise et devrait être mise en service fin 2027. Elle sera ainsi l’une des plus grandes de ce type en France. Elle améliorera la stabilité du réseau et contribuera à la sécurité d’approvisionnement. A titre d’exemple, elle pourra fournir l’équivalent de la consommation d’électricité de 170 000 foyers pendant deux heures.

  ÉVÉNEMENTS

Gazelec

L’AFIEG est partenaire du Congrès GAZELEC 2025 qui se tiendra les 13, 14 et 15 octobre au CNIT Forest – Paris la Défense, et animera un stand durant le Congrès, venez nous rencontrer !

À travers 48 heures de conférences et une journée d’ateliers, d’exposition, de business sessions, de rendez-vous business, Gazelec rassemble depuis plus de 15 ans l’ensemble des

acteurs clés de la filière énergétique française et européenne. Unique rendez-vous rassemblant près de 300 acheteurs, retrouvez les experts, décideurs, chercheurs, fournisseurs, industriels et entrepreneurs qui sauront vous conseiller et vous inspirer dans la mise en œuvre de vos stratégies.

Pour tout renseignement : https://congresgazelec.com/

L’AFIEG est partenaire d’Horizons Hydrogène, le rendez-vous Contenu & Business des acteurs de l’Hydrogène le 25 novembre 2025 au Centre de conférence Verso Victoire Paris.

Le Congrès a pour vocation de devenir un véritable lieu d’échanges et d’expertise entre industriels, experts- chercheurs, porteurs de projets, investisseurs publics

et privés, consultants, institutionnels, utilities et énergéticiens, pour ainsi se positionner comme un grand rendez-vous annuel des acteurs du marché de l’hydrogène. Horizons Hydrogène offre l’opportunité de vous informer, de débattre, de faire une veille complète sur les dernières innovations et projets en cours sur ce marché en pleine ébullition.

Pour plus de renseignements : https://horizons-hydrogene.com/

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