Introduction
A titre liminaire, l’AFIEG regrette que le gouvernement n’ait pas encore diligenté d’analyse d’impact indépendante du dispositif des CEE et nous appelons à ce que soit effectuée au plus vite une évaluation du dispositif, tant sur son coût que sur son efficacité. En effet, plusieurs pays européens ont évalué leur expérience en ce domaine avec des actions rectificatives réelles, en particulier l’Allemagne et le Danemark, ce pays ayant même décidé d’arrêter le dispositif équivalent sur son territoire.

1) Les volumes
L’AFIEG considère que les volumes d’obligation pour la 5e période CEE devrait être similaires à ceux de la 4e période et qu’a minima les niveaux d’obligations d’économies d’énergie soient concertés avec l’ensemble des obligés sur la base d’une étude publique des gisements potentiels en fonction des coûts de production des CEE.
D’ailleurs, afin de permettre aux obligés de remplir leurs obligations, l’AFIEG appelle le gouvernement à reconsidérer sa position sur les programmes et à se diriger plutôt vers une augmentation de leur nombre et du volume qu’ils couvrent par rapport à la 4e période. En effet, les programmes garantissent toutes les conditions de validité du Pôle national CEE.
Enfin, l’AFIEG appelle le gouvernement à s’engager à communiquer les volumes qui seront exigés pour les futures périodes au moins deux ans avant la fin de la période en cours, afin de permettre aux obligés d’avoir la visibilité nécessaire pour s’adapter en fonction.
2) Le seuil-franchise
Il est proposé de réduire le niveau de franchise, or l’AFIEG considère que cela pénaliserait grandement les plus petits fournisseurs et constituerait un frein à la concurrence. De plus, limiter la franchise à 100 GWh reviendrait mécaniquement à augmenter significativement l’obligation pour les petits acteurs ce qui les mettrait encore plus sous tension pour la production de CEE.
Le monde des obligés est aujourd’hui divisé en trois catégories :
• les « poids lourds » (dont EDF et Engie) qui ont des obligations très supérieures au TWh annuel et ont donc pu s’organiser en interne avec des équipes dédiées voire des filiales spécialisées dans les CEE ;
• les petits qui sont en dessous des 400 GWh et n’ont donc pas à se préoccuper des CEE ;
• et tous les autres qui ont beaucoup de mal à accéder à des gisements de CEE fiables et n’ont pas la taille suffisante pour créer leurs propres structures en interne.
Baisser la franchise à 100 GWh viendrait gonfler la catégorie du milieu en créant encore plus d’avantage concurrentiel aux très gros obligés qui bénéficient déjà d’économie d’échelle sur tous leurs postes de coûts.
Si une telle mesure devait tout de même être envisagée, elle devrait d’une part être mise en place de façon très progressive dans le temps et d’autre part, ne pas entrer en application avant 2024, pour ne pas remettre en cause des contrats déjà signés. En effet, il faudrait préciser que les obligations vis-à-vis de nos clients ne pourront pas être remises en cause en cours de contrat, de nombreux clients professionnels étant en outre déjà couverts au-delà de 2024. Pour l’ensemble des contrats fin P4 et- P5, l’équilibre financier a été calculé en intégrant la franchise et il n’est pas possible de la supprimer en cours de route, car cela reviendrait à remettre en cause de l’équilibre financier de ces contrats
3) L’assiette
Lors du COPIL CEE du 15 octobre, il a été indiqué que le gouvernement envisageait d’élargir l’assiette de l’obligation aux industriels (sauf ceux qui sont soumis à concurrence internationale) ainsi qu’aux nouvelles énergies (E85, ED95, GNV…).
L’AFIEG est opposée à cette proposition car le prix de l’électricité augmenterait considérablement pour les clients industriels, ce qui les mettrait à mal dans une période de crise post confinement lié au Covid-19 et pourrait provoquer des risques de grande difficulté financière, voire de délocalisations.
L’AFIEG considère en effet que les industriels font déjà leur diligence en termes d’efficacité énergétique et que les contraindre avec un élargissement de l’assiette des CEE irait à l’encontre de l’objet du dispositif qui est de faire des travaux pour les économies d’énergie et non de générer des obligations financières.
En outre, l’AFIEG rappelle que :
– les clients industriels ne sont pas concernés ou de manière très marginale par les enjeux de thermosensibilité ;
– les clients industriels optimisent de fait leurs consommations pour des raisons de compétitivité et en réaction à des signaux réglementaires que les offres de fourniture véhiculent sur le haut de portefeuille (mécanisme de capacité en électricité, coût du stockage en gaz (ATS), valorisation de capacités d’effacement sur divers marchés…) ;
– des outils incitatifs existent d’ores-et-déjà : audit énergétique obligatoire pour les grandes entreprises, mise en œuvre d’un Système de Management de l’Énergie (SMÉ) afin d’améliorer sa performance énergétique (certification ISO 50001) …

Enfin, de nombreux industriels sont déjà couverts au-delà de 2024 et il n’est pas envisageable de modifier l’équilibre économique de leur contrat de fourniture en cours d’exercice.

Concernant les carburants alternatifs, comme les biocarburants de 1ère et 2ème génération, il est surprenant d’envisager de les inclure dans la nouvelle assiette, alors qu’ils sont en phase émergente et à une période où le gouvernement se montre volontariste pour accompagner le secteur du transport (notamment transport lourd) dans la transition énergétique. Ainsi, l’effet direct serait d’impacter significativement leur compétitivité (via une diminution significative de l’écart de prix entre carburants alternatifs et diesel par exemple), ce qui aurait pour conséquence de rendre moins intéressante financièrement la conversion du secteur des transports à ces nouvelles énergies.

4) Le contrôle
Le rôle du Pôle national CEE devrait être renforcé dans ses fonctions de contrôle et de sanction mais il est impératif de protéger les obligés dans leurs engagements, en posant la règle suivante : il n’est pas possible d’annuler un CEE dont le dossier est déposé sur la période antérieure. En effet, aujourd’hui, le contrôle peut se faire sur 7 ans (et donc un CEE enregistré peut être annulé sur cette période de temps même s’il dépend d’une période antérieure). Cela créé de gros problèmes pour la compensation postérieure. Les contrats avec les grands comptes sont en moyenne de 3 ans, les périodes CEE sont réparties sur 4 ans, et contrôle sur 7 ans. L’AFIEG appelle à harmoniser les temporalités pour ne plus mettre à risque les obligés en début de nouvelle période. D’autant plus au regard d’une tendance à augmenter les volumes d’obligation période après période. L’AFIEG tient à rappeler que le risque financier pour les obligés est conséquent : à défaut d’être remplie à temps les obligations coutent aux obligés 15€/MWh pour les volumes non atteints (contre un prix de marché de l’ordre de 8,5 à 9€).

5) L’introduction d’une composante carbone
L’AFIEG est opposée à l’introduction du critère de l’empreinte carbone dans le calcul des coefficients d’obligation de la 5ème période.
L’esprit du dispositif des CEE est de promouvoir les travaux d’efficacité énergétique, pas d’orienter la consommation énergétique en fonction du contenu carbone de chaque énergie.
L’AFIEG souhaite que le dispositif CEE reste concentré sur son objectif d’efficacité énergétique, et laisse le soin aux autres mécanismes existants de continuer à promouvoir la réduction de l’empreinte carbone.