La Commission d’enquête visant à déterminer les raisons de la perte de souveraineté énergétique de la France a rendu son rapport ce jeudi 6 avril. L’AFIEG et l’ANODE souhaiteraient ici exprimer un certain nombre de remarques quant à la forme et au fond.
Sur la forme, il est regrettable que le panel des auditions n’ait pas été établi dans une visée pluraliste, afin de permettre d’entendre une diversité de points de vue et d’expertises. Il est frappant de constater que ces auditions ont pris les atours d’un étrange procès dans lequel le mécanisme de l’ARENH, coupable idéal, a concentré les critiques du panel, aboutissant à la recommandation de le « suspendre sans délai et de (le) compenser. »
Si cette recommandation était appliquée à la lettre, elle conduirait à une hausse des factures d’électricité de plus de 70 €/MWh pour les consommateurs résidentiels sur le reste de l’année 2023 et pour les professionnels de plus 90 €/MWh en 2023 et 100 €/MWh en 2024. Elle remettrait également en cause l’ensemble des mécanismes où intervient l’ARENH, à commencer par les tarifs réglementés de vente d’électricité et le bouclier tarifaire associé. Sa compensation poserait problème puisque le bouclier tarifaire, d’ores-et-déjà appliqué, est porté en grande partie par l’ARENH. La pression sur les finances publiques serait ainsi accentuée.
L’ARENH est une « très puissante protection des consommateurs français » et un « outil majeur de soutien à la compétitivité de nos industries », selon les propos même d’Elisabeth Borne le 2 mars 2023 à l’Assemblée nationale. Concrètement, il permet de réduire toutes les factures d’électricité, celles des clients d’EDF et celles des consommateurs livrés par d’autres fournisseurs.
Dès lors, de quoi serait coupable l’ARENH ? D’être la cause de tous les maux de l’opérateur historique ? Si on se réfère au rapport de la Cour des comptes de juillet 2022, partiellement cité par la Commission d’enquête, « la couverture des coûts complets du parc a été assurée et les revenus perçus ont même excédé les coûts de l’ordre de 1,75 Milliard d’euros sur la période [2011-2021] ». On citera aussi les propos d’un ancien président de la Commission de régulation de l’énergie, auditionné par les parlementaires : « si le seul sujet réel d’EDF était l’ARENH, je pense que ce serait plutôt une bonne nouvelle ».
Dans ces conditions, faire de l’ARENH un arbre qui cache la forêt, n’est-ce pas s’abstenir d’une réflexion approfondie sur les causes structurelles de la dégradation de la disponibilité du parc nucléaire (qui fait heureusement l’objet de la proposition 16 du rapport), et sur la manière dont son coût comptable doit pouvoir se refléter dans les factures.
Bien sûr, la mise en oeuvre de ce mécanisme n’est pas exempte d’imperfections. Le prix, selon la loi, aurait dû être réexaminé chaque année et le volume ajusté pour prendre en compte la réalité des besoins.
En tout état de cause, la suspension de l’ARENH n’est qu’une proposition symbolique et sans objet puisque la loi prévoit son extinction au 31 décembre 2025. Afin de garantir l’effet modérateur puissant sur les factures des consommateurs français de l’électricité nucléaire historique, l’AFIEG et l’ANODE rappellent la nécessité d’un schéma de régulation pérenne. L’absence d’une telle régulation entraînerait à partir de 2026 une vente sur les marchés par EDF de la totalité du productible nucléaire au prix de la dernière centrale appelée. Dans un contexte de prix de marché très élevés, ceci aurait un impact direct à la hausse sur le prix de vente de l’électricité au consommateur final.
Par ailleurs, l’AFIEG et l’ANODE souhaitent revenir sur l’accusation éculée de non investissement de la part des acteurs alternatifs. En l’occurrence, il faut sortir de l’hypocrisie : investir dans de la production en base est inaccessible en France. Cela est impossible en droit (absence de renouvellement des concessions hydroélectriques au fil de l’eau et basses chutes) et dans les faits (monopole de fait en matière d’exploitation nucléaire). A cela s’ajoute l’absence de réelle ouverture en ce qui concerne les grandes énergies renouvelables telle l’éolien en mer dont le profil se rapproche précisément de la base. Le résultat du 4e appel d’offres éolien en mer au large de la Normandie, encore une fois attribué à EDF, qui concentrera ainsi 70% des parts de marché dans ce secteur, en est une très belle illustration. Même le régulateur relève cette situation « très insatisfaisante », « qui ne s’observe pas ailleurs en Europe ». Malgré cette situation, les énergéticiens alternatifs français et européens ont investi et continuent d’investir là où ils le peuvent.
Contact presse : Christophe Droguère, cdroguere@atlaspublicaffairs.com