3 janvier 2022

Dans le contexte actuel d’un prix de l’énergie très élevé, les consommateurs finals d’électricité se retrouvent dans une situation financière périlleuse. Un outil identifié pour mitiger les conséquences de cette hausse des prix serait l’augmentation du plafond de l’ARENH. Pour ce faire, s’agissant de 2022, nous identifions 3 possibilités pour l’affectation de volumes supplémentaires d’ARENH avec deux mécanismes reposant sur des redistributions financières et un mécanisme d’affectation physique des volumes. Les options 1 et 2 permettraient également de redistribuer financièrement une hausse du plafond sur l’intégralité de 2022 tandis que l’option 3 se borneraient à redistribuer l’équivalent de l’impact de ce qu’aurait été la hausse annuelle du plafond sur S2 2022.

Au-delà de ces mécanismes, il est aussi indispensable de prévoir les modalités permettant aux consommateurs finals de bénéficier, sur 2022, d’une révision de leurs conditions tarifaires.

 

1.Mécanisme de redistribution financière des volumes supplémentaires ARENH pour S2 2022 via l’enveloppe des CP

Principe : Utilisation du mécanisme de redistribution de l’enveloppe de CP1 dans le cadre d’une augmentation exceptionnelle de la quantité ARENH disponible.

Analyses du cadre législatif et réglementaire actuel :

Le législatif (art. L.336-2 et art. L.336-5) n’exclut pas :

  • L’augmentation du plafond à 150 TWh
  • La modification des règles de répartition du complément de prix entre les fournisseurs

 

Les calculs de l’enveloppe CP1 et de la redistribution de cette enveloppe sont précisés dans la partie réglementaire (R.336-33, R.336-35 et R.336-35-2).

 

Description du mécanisme imaginé :

  1. Calcul de la quantité supplémentaire d’ARENH sur une période donnée :
    • La quantité supplémentaire d’ARENH redistribuable sur la période donnée repose sur l’élévation du plafond de l’ARENH, notée ,(augmentation plafonnée à 150 TWh dans l’article L.336-2) et la période sur laquelle cette augmentation s’applique : , avec J le nombre de jours de la période concernée. Dans le cas d’une augmentation du plafond annuel de 150 TWh pour S2 2022 cette formule donnerait une quantité supplémentaire de 25 TWh à redistribuer entre les fournisseurs ;
  2. Calcul de l’enveloppe budgétaire correspondant à l’augmentation de la livraison d’ARENH :
    • Définition du prix de référence qui servira pour le calcul du montant de l’enveloppe. Il est proposé d’utiliser le PREC de l’année concernée ;
    • Calcul d’un montant de l’enveloppe mise à disposition par EDF (CP3) sur la base des écarts moyens de prix, équivalent au CP1, et des volumes supplémentaires calculés précédemment (ajout réglementaire dans R.336-35 avec un CP3 pour EDF)
      ;
  3. Redistribution de l’enveloppe par fournisseur :
    • Pour chaque fournisseur une quantité Qex post est calculée pour la redistribution des CP1, elle servira de base pour la redistribution des quantités supplémentaires (déjà existant dans la délibération du 2 décembre 2020) ;
    • Redistribution de cette seconde enveloppe aux fournisseurs au pro-rata de Qex-post pour chaque fournisseur ayant procédé à une demande au guichet de novembre AL-1 pour AL (ajout réglementaire dans R.336-35-2)
      Pour un fournisseur i, il récupère .

Modifications législatives et réglementaires :

  • La définition du CP payable par EDF semble devoir passer par la modification de l’article L.336-5
  • Définition technique des calculs des CP passe par le réglementaire en article R336-35 et l’article R.336-35-2

Avantages et inconvénients du mécanisme :

Avantages du mécanisme :

  • Pour la DGEC : Ce mécanisme permet de ne pas choisir une augmentation trop importante du plafond de l’ARENH (si la demande ex-post est inférieure à 150TWh, cela évitera une sur-redistribution d’ARENH) ;
  • Il est possible de mettre en place ce mécanisme sur une période à définir (pas uniquement sur 6 mois ou 1 an) ;
  • Il n’élimine pas les fournisseurs qui paient du CP1 ;
  • Il permet une redistribution au plus juste des quantités supplémentaires puisque se fonderait sur les droits réels tels que résultant du contrôle ex post

Inconvénients du mécanisme :

  • Il ne détermine pas à l’avance la quantité d’ARENH qui sera ajoutée ce qui rendra difficile la couverture par le client ;
  • Ne permet pas de couvrir les problèmes de trésorerie des clients sur AL 2022 ;
  • Indexation du CP1 aux prix spot calendaires :
    • Imprévisibilité des flux financiers (pour EDF comme pour les fournisseurs/consommateurs)
  • Impact sur les changements de fournisseur : ce mécanisme qui redistribue ex-post l’équivalent financier d’une affectation physique d’ARENH peut entraîner le gel des clients qui préfèreraient rester chez leur fournisseur en 2023 pour avoir la redistribution de l’ARENH supplémentaire 2022. Ceci pourrait provoquer une non-prolongation des contrats de la part des fournisseurs pour les clients « à risque » ou une offre surévaluée.
  • Complexité de mise en œuvre à 5 mois du guichet (modifications législatives et décret CE)

 

2.Mécanisme de redistribution financière en cours d’année des volumes supplémentaires d’ARENH pour S2 2022

Principe : Distribution financière de la valorisation de la quantité d’ARENH supplémentaire sur le marché par EDF aux fournisseurs alternatifs.

Analyses du cadre législatif et réglementaire actuel :

Il n’existe pas de cadre législatif ou réglementaire qui permette d’intégrer ce dispositif. Il serait à construire from scratch.

Description du mécanisme imaginé :

  1. Calcul de la valorisation de l’ARENH supplémentaire :
    • Calcul du montant de la valorisation des volumes équivalents au supplément d’ARENH par EDF sur 2022, incluant la valeur capacitaire, à l’instar de la CP1 (sur la base du PREC 2022)
  2. Répartition des montants entre les fournisseurs ayant réalisé une demande d’ARENH en novembre 2021
    • Au cours de la période de livraison, EDF redistribue aux fournisseurs au pro-rata des quantités cédées notifiées par la CRE le 2 décembre 2021.
  3. Calcul du CP1 2022, pour un fournisseur excédentaire, sur la base des volumes demandés en guichet de novembre 2021 intégrant les montants financiers reçus pour le volume supplémentaire 2022

 

Avantages et inconvénients du mécanisme :

Avantages du mécanisme :

  • Permet de couvrir les problématiques de trésorerie des consommateurs sur 2022 au plus tôt, dès que la mesure est adoptée, et de manière rétroactive au 1er janvier 2022  ;
  • Le calcul de cette compensation se ferait sur la base d’une référence de prix à définir par la CRE
  • N’engendre pas de mouvements « exceptionnels » (achat-revente) sur le marché de l’électricité au contraire d’une livraison physique en guichet de juin 2022 qui aggraverait encore l’imprévisibilité et la volatilité des prix sur le marché ;
  • Les clients et fournisseurs étant déjà couverts pour 2022 (via l’ARENH et le marché), ce système de redistribution permettrait d’une part, pour le segment professionnel une réduction du coût issu de l’achat des volumes additionnels nécessaires sur le marché de gros (écrêtement) depuis la décision d’attribution décembre 2021 par le reversement par le fournisseur du delta et, d’autre part, d’atteindre un niveau de TRVE « réel » plus proche du niveau du TRVE « gelé » à +4%, en complément de la modulation de la TICFE

Inconvénient du mécanisme : L’absence de cadre existant nécessite l’adoption d’une mesure exceptionnelle temporaire dans le cadre du soutien aux entreprises et de la protection du pouvoir d’achat face à la crise du prix de l’électricité

 

3.Mécanisme d’affectation physique des volumes d’ARENH supplémentaires au guichet du 1er juillet 2022

Principe :

  • Hausse du plafond défini au L336-2
  • Impliquerait une allocation supplémentaire correspondante s aux volumes demandés au guichet de novembre 2021 et qui auraient été alloués sur S2 si le plafond avait été réhaussé à 150 TWh sur la totalité de l’année 2022, et donc au prorata des heures creuses ARENH sur S2.

Analyses du cadre législatif et réglementaire actuel :

  • Un arrêté serait requis pour la hausse du plafond
  • Cette hausse du plafond devra se traduire par une réallocation basée sur la demande du 21/11/2021 pour 2022 : les volumes seraient ajustés en conséquence sans qu’il y ait besoin de faire une nouvelle demande, évitant ainsi les contraintes induites par une nouvelle demande faite au guichet (déclenchement de la clause de monotonie[1] dont il conviendrait de suspendre l’application[2], comme d’ailleurs la CRE l’avait envisagé en 2016). Cette réallocation de la hausse du plafond pourrait être exceptionnellement définie par simple délibération de la CRE, à l’instar de la réallocation réalisée postérieurement à la notification du 1er décembre dernier. Cette solution permettrait d’éviter les contraintes et les risques induites par le guichet de juillet et que la CRE a largement explicité dans son rapport d’évaluation de l’ARENH[3].

Avantages du mécanisme :

  • Simplicité de mise en œuvre réglementaire (pas de modification structurelle du cadre législatif et réglementaire, sans bouleversement fondamental du mécanisme)
  • Permet de préserver l’accès actuel au produit capacité présent dans l’ARENH
  • Permet de couvrir les problématiques de trésorerie des consommateurs sur S2 2022 ;
  • Meilleure robustesse juridique et visibilité économique en l’absence de rétroactivité sur S1-2022 du mécanisme

Inconvénients du mécanisme :

  • EDF devra racheter ses positions pour redistribuer physiquement les produits (énergie et capacité) en 2022 : peut introduire des mouvements non souhaitables sur le marché, même s’il est possible de les encadrer (par ex. délibération CRE établissant un planning de rachat de l’écrêtement sur X jours)
  • De nouvelles allocations demanderaient des modifications de garanties bancaires, non souhaitables en ces périodes avec des difficultés de mise en place de garanties par les banques

 

***

Idéalement, l’intégralité de l’année 2022 devrait faire l’objet d’une allocation supplémentaire : en effet, ne traiter que S2 2022 implique un effet de levier bien moins puissant, le spread entre les produits S1 22 et S2 22 étant extrêmement marqué (270 euros contre seulement 190 euros sur le S2 avant les vacances de Noël). Mais le caractère tardif de cette mesure de hausse de plafond implique une rétroactivité peu évidente à traiter. Les schémas proposés ci-avant se concentrent donc sur le S2 2022.

 

En tout état de cause, et quel que le soit le schéma retenu, il s’agira de veiller à la répercussion du rehaussement du plafond ARENH sur les consommateurs B2C comme B2B. Le rehaussement du plafond vise en effet à faire bénéficier de l’ARENH au consommateur et c’est bien dans cet esprit que les fournisseurs s’engageront à cette répercussion dans le cadre des dispositions contractuelles qui les lient à leurs clients. La concurrence jouera de surcroît pleinement sont effet et incitera naturellement les fournisseurs à répercuter ces volumes supplémentaires alloués. Sur le segment B2B, la CRE dispose de surcroît des informations nécessaires (liste des contrats dans le cadre des dossiers de demande) pour pouvoir contrôler cette répercussion le cas échéant.

 

 

 

 

 

Annexe :

 

Compte-tenu de la situation extrêmement tendue sur le segment des clients professionnels, il pourrait être envisagé de procéder ainsi :

Une évolution législative pourrait prendre la forme d’une présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi ad hoc d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, adoption du texte d’ici la fin février, publication par la suite de l’ordonnance puis du projet de loi de ratification.

 

L’AFIEG reconnaît que ces voies paraissent peu réalistes sur le plan de la pratique et au regard du calendrier mais elles restent possibles et au regard de la gravité de la situation. Ces voies méritent d’être tentées afin d’éviter au mieux des situations d’impayés inextricables ou pire des faillites. Il suffit de constater la réaction des clients professionnels lors de la publication par la CRE de la modification de la demande totale et du taux d’attribution du 21 décembre 2021 pour évaluer la très grande inquiétude du secteur.

[1] Par exemple, un fournisseur ayant augmenté le niveau de sa demande d’ARENH au 1er janvier d’une année N ne peut le diminuer au 1er juillet de cette même année. En l’absence de modification de sa demande au 1er juillet, il peut en revanche, au 1er janvier de l’année N+1, diminuer ou augmenter sa demande d’ARENH à sa guise.

[2] Laquelle clause n’a été appliquée que deux fois depuis la mise en place du dispositif

[3] «  Le guichet infra-annuel et sa clause de monotonie, qui ne paraissent pas répondre à un besoin impérieux des fournisseurs, devraient être supprimés. »  (ÉVALUATION DU DISPOSITIF ARENH ENTRE 2011 ET 2017)

Télécharger le communiqué au format PDF