L’AFIEG constate une absence préoccupante de liquidité en achat et en production de CEE précaires, rendant difficile la couverture de l’obligation précarité par de nombreux fournisseurs, avec un risque de hausse des factures des consommateurs.
Selon les analyses de C2E Market, le rythme de dépôt mensuel moyen des CEE précarités ne cesse de chuter. Le rythme de dépôt mensuel moyen des CEE précarités depuis janvier 2024 est ainsi de 10,6 TWhc, bien en deçà des 23,5 TWhc mensuels nécessaires à l’atteinte de l’obligation. Sur les six derniers mois, ce volume tombe à 6,5 TWhc de dépôt moyen. De plus, ces chiffres intègrent 125 TWhc de CEE précarités en cours d’instruction.
La tension semble s’exacerber sur la fin de la P5 d’où un « marché » en backwardation (prime de risque sur le court terme). Les prix sont supérieurs à 10 €/MkWhc depuis janvier et récemment à 12 €/MkWhc, traduisant cette pénurie, avec une évolution très rapide du prix qui a augmenté de 2 €/MkWhc en quelques semaines.
Plusieurs estimations concordantes prévoient que la couverture de l’obligation précarité ne sera pas couverte d’ici fin 2025, avec environ 90 TWh manquants.
Plusieurs explications semblent pouvoir être avancées :
– Baisse de gisements disponibles : effet d’épuisement naturel, des règles instables plus strictes et fiches en extinction, moindre rentabilité des opérations et freins économiques ou administratifs pour l’ensemble des acteurs du dispositif
– Des volumes produits par l’ANAH très faibles et commercialisés dans le cadre d’appels d’offres dont les attributions sont peu transparentes, accessibles et à des prix élevés et en tranches de 1 TWh
– A tout cela s’ajoute une hausse très nette des stocks en cours d’instruction depuis avril 2024 (+ de 400 TWhc). Plus précisément, le stock de demandes en cours d’instruction pour les CEE précarité oscille toujours autour de plus ou moins 130 TWhc depuis mai 2024. Auparavant, ce stock était plutôt autour des 100 TWhc (sur le T1 2024) et autour de 80-90 TWhc en 2023.
Les fournisseurs ne devraient pas subir les conséquences d’une obligation précarité mal calibrée au regard des gisements.
Dans ce contexte, le risque pour les fournisseurs est d’être contraints de devoir s’acquitter de la pénalité libératoire, laquelle avait été précisément augmentée à 0,02 €/kWhc pour la cinquième période (contre 0,015 pendant la période 4), sans être en mesure de répercuter ce coût à tous leurs consommateurs. Sans mesures d’ajustement rapides sur l’offre disponible, ce risque a de fortes chances de se matérialiser. Toutefois, la plupart des actions susceptibles de débloquer l’offre risquent de produire des effets trop tardivement et sont structurellement limitées par la problématique de gisement. Dans un tel scénario, des mesures correctives doivent être prises de manière à ne pas mettre en risque le système.
Propositions
1. Côté offre :
a. Permettre aux ménages modestes (et non seulement très modestes) de générer des CEE précarité dès la période 5.
b. Demander à l’ANAH une plus grande transparence sur les CEE précarité en cours d’instruction afin d’améliorer la visibilité pour l’ensemble des acteurs
c. Demander à l’ANAH d’accroître les volumes et la fréquence des mises à disposition de CEE précaires jusqu’à la fin de la période P5 et pour les périodes suivantes
2. Côté demande :
a. Prolonger la cinquième période à iso-obligation (d’ordre réglementaire : R221-1) en combinaison avec des mesures à effet rapide sur l’offre
b. Abaisser exceptionnellement la pénalité (d’ordre réglementaire : R222-2):
- i. soit en la fixant à la moyenne des prix des CEE précaires sur l’ensemble de la période 5 à laquelle serait ajouté un majorant ;
- ii. soit en l’abaissant au niveau de la pénalité classique, soit 0,015 €/kWhc