Le nucléaire doit continuer à profiter aux consommateurs français, ce qui ne sera pas le cas avec un prix à 120 €/MWh
L’AFIEG et l’ANODE s’étonnent que les tractations sur l’avenir des factures des consommateurs d’électricité s’effectuent au cœur de l’été sans aucune concertation et avec des orientations qui aboutiraient à alourdir significativement le prix de l’électricité pour les consommateurs.
L’enjeu est de trouver un mécanisme de régulation permettant de prendre le relais du dispositif ARENH, dont l’effet protecteur sur les factures n’est plus à démontrer). La voix officielle de la France, portée dans le cadre de la réforme du market-design européen, consiste à défendre l’éligibilité de la production nucléaire historique à un contrat pour différence bidirectionnel (CfD). Avec un prix de référence fondé sur les coûts, un tel schéma permet à la fois de protéger le consommateur et de garantir la réalisation des investissements nécessaires pour prolonger et sécuriser la production du parc nucléaire.
Or, un second schéma semblerait se dessiner, celui d’un plafond de prix fixé à un niveau extrêmement élevé (jusqu’à 120 €/MWh) et permettant in fine à l’opérateur nucléaire de s’affranchir de toute régulation. Ce choix d’un mécanisme dissymétrique est surprenant, car il aboutirait à autoriser EDF à conserver une rente financière considérable lorsque les prix de l’électricité sur les marchés sont, comme aujourd’hui, très élevés (en témoignent les excellents résultats semestriels publiés récemment par EDF avec un ARENH à seulement 42 €/MWh et un productible réduit). A contrario, un tel mécanisme ne permettrait pas de garantir le financement du parc nucléaire en cas de prix bas, laissant à l’Etat et donc aux contribuables le soin de venir alors éponger les pertes.
Il serait plus que paradoxal que la volonté politique de continuer à réguler le nucléaire historique aboutisse à multiplier par trois le prix du nucléaire historique dans les factures d’électricité.
Face au combat de chiffres relayés dans la presse, il est important de revenir à la vérité des coûts. Ainsi, la dernière évaluation du coût du parc par la CRE se situait à 48-49 €/MWh en 2020. Elle a été réactualisée depuis autour des 60 €/MWh. Ces chiffres sont très loin de celui de 120 €/MWh tombé du ciel et dont on se demande bien à quelle approche comptable il correspond. Ce niveau de prix reviendrait à sanctuariser à long terme les prix de gros actuels dans les factures des consommateurs, sans bouclier ni amortisseur. Drôle de manière de s’affranchir des prix de gros tant décriés ici et là.
Dans l’intervalle, profitant du brouillard régulatoire, l’opérateur historique semble vouloir faire bénéficier à une grande partie des consommateurs, notamment industriels, de contrats de long terme avec un partage de risque qu’il est le seul à pouvoir proposer, et qui pourraient conduire à fermer le marché de la fourniture.
Au regard de ses éléments, nous demandons :
- que la France continue de porter le modèle du CfD bidirectionnel pour la régulation de la production nucléaire historique ;
- l’ouverture d’une consultation de l’ensemble des parties prenantes sur les mécanismes à mettre en œuvre en 2026, sans préempter un modèle ;
- la transparence sur la réévaluation des coûts comptables du nucléaire historique menée par le régulateur en 2020 et réactualisée depuis ;
- une visibilité sur le volume et le prix de l’ARENH jusqu’à sa suppression, qui devront être calés à des niveaux cohérents avec la réalité des coûts et des besoins des consommateurs;
- que la signature par EDF de contrats de moyen et de long terme avec les consommateurs se fasse dans un cadre garantissant une séparation effective entre son entité commerce et son entité production nucléaire ou des conditions permettant aux autres fournisseurs de proposer les mêmes conditions contractuelles.