31 juillet 2023

Le secteur de l’électricité est à la croisée des chemins. Il a été secoué par une crise sans précédent, conséquence pour la France d’un double cocktail explosif : une crise gazière liée au conflit russo-ukrainien doublée d’une crise de l’indisponibilité du parc nucléaire. Ce qui a contribué à placer la France sur le podium des marchés de gros les plus chers en matière d’électricité.

La réaction politique s’est matérialisée par une demande forte consistant à réformer ce qu’on appelle le « market design européen », à savoir l’organisation des marchés de gros européens. A l’arrivée, l’Europe tente de s’accorder sur une logique qui préserve les avantages du système actuel tout en introduisant davantage de long terme dans la fixation des prix.

Rappelons qu’à l’origine de cette réforme, il y a une volonté de révision de la fixation du prix de l’électricité sur le marché européen accusée, à tort, d’être indexée sur celui du gaz. A tort, car ce n’est pas une indexation, mais une corrélation. Ce marché fonctionne sur la base de la fixation marginale théorisée par feu Marcel Boiteux, grand économiste français, décédé il y a quelques semaines. Selon cette mécanique, le prix de la dernière centrale appelée pour répondre à une unité de consommation supplémentaire va déterminer le prix d’équilibre sur le marché. Or, au cœur de la crise, les centrales à cycle combiné gaz ont majoritairement fixé ce prix, alors qu’en temps normal, le nucléaire, lorsqu’il est disponible, est capable de faire le prix pendant 25% du temps, permettant de baisser considérablement le prix de gros.

Dès 2010, la France a choisi de s’assurer du transfert de la compétitivité du prix du nucléaire vers le consommateur et donc de s’affranchir en partie du fonctionnement du marché. Ce transfert a un nom : l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) instauré par la loi NOME. Ce mécanisme – que nous envie toute l’Europe – a permis d’assurer un prix de l’électricité compétitif à l’ensemble des consommateurs, quel que soit leur fournisseur. Il s’applique aux ventes d’EDF à ses propres clients (et donc modère le montant de ses factures) comme aux ventes des autres fournisseurs vers leurs propres clients. Il a en outre “permis la couverture des coûts complets du parc de production nucléaire historique sur la période 2011-2021” selon la Cour des comptes.

Dispositif essentiel pour le consommateur français, l’ARENH est pourtant l’objet de remises en cause régulières, alors même que sa suppression serait désastreuse, en particulier pour notre industrie qu’il a “efficacement protégée des fluctuations de prix” comme l’ont souligné plusieurs parlementaires dont les députés G Kasbarian, O. Marleix, A. Armand ou E. Bonnivard. Il faut donc en maintenir les effets par une régulation qui doit démarrer dès 2026 et s’appliquer à l’ensemble du productible nucléaire. Il est urgent de conférer à cet égard de la visibilité aux consommateurs et aux acteurs du système électrique.

Notre parc nucléaire est un atout formidable mais sa singularité nécessite une intervention publique pour garantir sa bonne disponibilité, au bénéfice de tous les consommateurs. Comme l’a souligné la Ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier- Runacher, « nous sommes le seul pays où un acteur a dans ses mains 70 % des parts de marché, reposant notamment sur une technologie qu’aucun concurrent ne peut répliquer à court terme. Cette régulation doit permettre, d’un côté, aux Français de bénéficier des coûts compétitifs du nucléaire qu’ils ont contribué à financer et, de l’autre côté, à EDF de faire ses investissements massifs. » (Les Echos, 28 septembre 2023)

 

Géry Lecerf,

Président de l’AFIEG