Une réforme qui peine à se finaliser
La réforme du market design de l’électricité a pour principal objectif de fournir aux acteurs des signaux de long terme :
- en protégeant les consommateurs, ménages comme entreprises, de la volatilité des prix de gros ;
- en garantissant aux producteurs un revenu couvrant leurs coûts afin de les inciter à investir dans des unités de production bas carbone.
Pour l’essentiel, Commission européenne et eurodéputés entendent atteindre cet objectif en promouvant des contrats long-terme régulés (contrats pour la différence, ou CfD) et privés (contrat de vente directe, ou PPA). Parmi cette panoplie d’outils, aucune mesure n’a cependant été introduite à date sur le développement du marché de gros afin d’y faire émerger des produits à maturité longue, privant la réforme d’un levier efficace et éprouvé.
Au Conseil de l’Union européenne, les discussions se sont enlisées dans le désaccord entre Paris et Berlin sur l’éligibilité du nucléaire existant aux contrats pour la différence, qui offriraient une solution pérenne à la régulation des prix du nucléaire historique dans un monde post-ARENH en permettant aux consommateurs français de continuer de bénéficier dans leurs factures des coûts bas de notre mix électrique. Le gouvernement français se voit de plus privé du soutien de son producteur nationalisé, défavorable aux CfD qui lui garantiraient pourtant un revenu stable compatible avec les investissements colossaux à consentir pour le prolongement du parc existant et la construction de nouvelles centrales nucléaires.
Au Conseil, la présidence suédoise n’a pu encore parvenir à un accord entre les États membres. La difficulté des négociations rend plus probable une adoption sous présidence belge début 2024, tandis qu’un report après les électrons européennes de 2024 revêt une probabilité non nulle. Sans compter les délais de transposition de la directive une fois celle-ci adoptée.
Quelles conséquences concrètes pour la France ?
Ce retard dans la réforme européenne pousse le gouvernement français à mener sa propre réforme de la régulation des prix de l’électricité pour les français. Le Président de la République a en ce sens annoncé “reprendre le contrôle du prix de notre électricité” dans une loi à paraître avant la fin de l’année. Il est d’abord utile de rappeler que parler d’un “Frexit électrique”, comme on a pu le lire ici ou là, est totalement erroné : le couplage européen et le fonctionnement du marché de gros demeurent, et c’est heureux ! Ensuite, il ne s’agit pas pour cette loi de reprendre le contrôle du prix de l’électricité, mais de le poursuivre puisque l’ARENH, destiné à s’éteindre après 2025, remplit précisément ce rôle depuis 12 ans !