Dans un contexte de profond changement de notre modèle énergétique et de défi climatique majeur, il est essentiel de réaffirmer le rôle crucial que doit jouer la concurrence pour offrir aux consommateurs une énergie aussi abordable que possible et plus respectueuse de l’environnement.

La concurrence, sans être une fin en soi, est en effet le meilleur moyen d’offrir aux consommateurs une garantie de choix au meilleur prix. Si EDF concentre toujours une part prépondérante des principaux moyens de production, la concurrence a fortement accru ses parts de marché, notamment au bénéfice des consommateurs les plus avertis, acheteurs professionnels et industriels, mais aussi avec une percée notable chez les clients résidentiels. Au-delà de certaines réductions de prix, le secret de ce succès croissant est la capacité à innover, à diminuer les consommations pour alléger la facture et à offrir une plus grande gamme de services. Face aux scepticismes voire aux critiques, ce choix des consommateurs est la meilleure preuve de l’utilité de conserver les conditions d’une saine concurrence, en France comme en Europe.

La concurrence a assurément un rôle à jouer dans la réalisation de la transition énergétique et l’atteinte de la neutralité carbone au plus tard en 2050. Le développement des énergies renouvelables (ENR) se fera largement grâce à la capacité de développement et d’innovation de nouveaux acteurs, de toutes tailles. Les investissements non étatiques pourraient s’avérer décisifs pour financer la transition énergétique. EDF, endetté de plus de 40 milliards d’euros et à l’orée de dépenses très importantes pour moderniser le parc nucléaire, ne pourra être en mesure de tout financer. Le développement de l’éolien offshore, du biométhane, de l’hydrogène notamment, gagneraient à être accélérés par d’autres grands acteurs français ou européens. On peut à cet égard regretter, malgré les différentes législations en la matière, que les gouvernements successifs n’aient pas ouvert à la concurrence les concessions hydroélectriques, alors que ce secteur fondamental pour la transition énergétique manque cruellement d’investissements.

L’intermittence des ENR, dont on doit évidemment tenir compte, ne doit pas servir de prétexte à ralentir leur développement ou à prendre du retard sur les objectifs climatiques. Mais l’on pourrait légitimement questionner la politique énergétique de la France, si celle-ci repose trop exclusivement sur le nucléaire et les ENR. Si les deux ont le mérite d’être décarbonées, le solaire photovoltaïque et l’éolien ont un caractère variable et le nucléaire est plutôt adapté pour répondre à la demande « en base », avec une capacité de modulation qui, sans être nulle, reste modérée. Dans ce contexte, une composante donnant la flexibilité nécessaire à notre mix énergétique sera requise dans toutes les hypothèses. C’est singulièrement au gaz, énergie bien moins émettrice que le charbon et le fioul, et susceptible de se verdir à travers notamment la production de bio gaz, que devrait incomber dans les circonstances présentes un rôle d’énergie de transition. Cela permettrait d’attendre des solutions à coût abordable de stockage de l’électricité ou d’autres avancées technologiques, notamment une production thermique décarbonée, à base de méthane ou d’hydrogène.

Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone aussi rapidement que possible, il faut être pragmatique et agir efficacement. Face aux dangers du dérèglement climatique, et à la nécessité d’assurer notre sécurité d’approvisionnement, il ne faut surtout pas s’enfermer dans des postures idéologiques, ou corseter les initiatives indispensables pour réussir cette transition. Il semble primordial d’adopter un mix énergétique aussi diversifié que nécessaire et un modèle moins centralisé propre à stimuler les nouveaux acteurs et les solutions innovantes, y compris dans les économies d’énergie et la maîtrise de la demande. Il faut aussi que l’intérêt de tous les consommateurs soit assuré, quel que soit leur fournisseur. Les négociations au sujet de la restructuration et du financement d’EDF montrent la difficulté à créer du consensus autour de cette question, dans un pays où l’on semble cultiver une nostalgie pour les monopoles nationaux, et une époque où les clients n’étaient encore que des « usagers ».

Enfin, la nature et l’ampleur des enjeux commandent, malgré certaines différences nationales qui demeureront légitimes, une vision européenne des défis et des solutions, qu’il s’agisse de défendre l’environnement, qui fait largement fi des frontières, ou d’optimiser et sécuriser nos conditions d’approvisionnement, à travers notamment le développement des interconnections.