Auditionnée par la Mission d’information, l’AFIEG a pu partager avec les sénateurs son retour d’expérience sur le fonctionnement de l’ARENH depuis sa mise en œuvre en 2011.
Corriger la méthodologie de l’ARENH et définir son successeur
L’AFIEG estime que la mise en œuvre de ce mécanisme est imparfaite. Comme l’AFIEG l’indiquait dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes de juillet 2022 :
« [L’ARENH] a été conçu par le législateur pour fonctionner avec un prix fixé rigoureusement, sur la base d’une approche comptable, et réévalué régulièrement, et ce dans le cadre d’une allocation de volumes qui devait être adaptée au développement de la concurrence. L’ARENH n’a en aucun cas été conçu pour fonctionner avec un prix figé pendant 11 ans et de manière écrêtée. C’est donc bien le plafond et son non-ajustement, et l’écrêtement qui en découle, qui ont perturbé par ricochet tous les dispositifs où l’ARENH intervenait. »
Il est encore temps de réévaluer le prix du nucléaire historique sur des bases comptables solides, exercice qui sera de toute façon requis pour le mécanisme qui succèdera à l’ARENH. Pour faire jouer pleinement à l’ARENH son rôle d’amortisseur des prix et diminuer l’effet haussier de l’écrêtement, il convient précisément d’ajuster le volume allouable en cohérence avec les besoins des consommateurs bénéficiaires de l’ARENH.
Pour prendre la suite de l’ARENH, une régulation exhaustive de la production électronucléaire est nécessaire afin que les consommateurs français continuent de bénéficier de sa compétitivité, quel que soit leur fournisseur. Dans ce but, l’AFIEG est favorable à la recommandation du rapport sur des contrats pour différence bidirectionnels (CfD) dans le cadre de la réforme européenne du marché de l’électricité.
Renforcer les contrôles et les sanctions liées à l’abus d’ARENH
Dans le cadre de leurs demandes d’ARENH, et pour faire bénéficier à leurs clients de la compétitivité de l’électricité nucléaire, les fournisseurs n’ont d’autre vocation que d’en répercuter le prix aux consommateurs finals. Ils y sont économiquement incités par le jeu de la concurrence afin de proposer des offres compétitives. Ils y sont aussi juridiquement tenus : l’ARENH est rigoureusement encadré afin de prévenir et sanctionner les abus.
Bien qu’ils soient extrêmement minoritaires, l’AFIEG condamne fermement ces abus, et tout particulièrement les arbitrages saisonniers de certains fournisseurs bien identifiés dont les membres de l’AFIEG ont eux-mêmes pâti et qu’ils ont signalés aux autorités compétentes dès leur apparition. Ces acteurs frauduleux n’ont pas leur place sur le marché français de la fourniture et l’AFIEG se satisfait des procédures juridiques engagées à leur égard.
Ainsi, elle souscrit aux propositions d’élargissement de la notion d’abus d’ARENH, pour réprimer les arbitrages saisonniers par la suppression du bénéfice de l’ARENH en cas d’abus avéré, l’accélération et la formalisation des procédures devant les autorités compétentes.
L’AFIEG rappelle cependant qu’une sur commande d’ARENH ne peut être qualifiée ou assimilée à un abus d’ARENH. Le premier terme du complément de prix (CP1) ne constitue pas une pénalité sanctionnant un abus, mais une régularisation d’erreurs de bonne foi des fournisseurs et de leurs clients dans la prévision de leur consommation qui est par nature incertaine au moment de la demande d’ARENH. Pour 2022, la CRE note dans sa délibération N° 2023-176 du 29 juin 2023 “que le niveau de demande d’ARENH excédentaire s’élevant à 5,6% de la demande totale est cohérent avec la baisse de consommation constatée en 2022, avec l’inversion de la dynamique sur le marché détail, et leur caractère imprévisible au moment du guichet ARENH”.
Pour le président de l’AFIEG, « cela relèverait de la pure désinformation voire de la calomnie que d’assimiler les commandes d’ARENH excédentaires à de la fraude, alors qu’elles sont liées aux nombreuses imprévisions à l’approche de 2022, et sont de toute façon neutralisées par le complément de prix ».
L’AFIEG soutient également la proposition de reconsidérer à partir de l’année de livraison 2024 le plafonnement du second terme du complément de prix (CP2) à 20 €/MWh, qui limite cette pénalité dans son rôle de sanction des demandes excessives.
Renforcer les obligations des fournisseurs
L’AFIEG soutient la proposition du rapport de centraliser les demandes et les contrôles des autorisations de fourniture auprès de la CRE, en lui permettant réexaminer, suspendre ou annuler cette autorisation d’exercer l’activité de fourniture d’électricité.
S’agissant des obligations prudentielles, l’AFIEG rappelle que dans l’intérêt des consommateurs et pour pouvoir faire face aux chocs du marché, la majorité des fournisseurs adoptent naturellement une politique de couverture résiliente. Si des obligations prudentielles sont mises en place, elles doivent :
- correspondre à une obligation de résultats sans entraver la liberté des fournisseurs de choisir leur stratégie de couverture ;
- être intégrées dans l’autorisation de fourniture ;
- considérer le coût des appels de marges sur le marché de gros de l’électricité ;
- tenir compte du risque de sur-couverture, découlant d’une sous-consommation des clients.
De plus, la mise en œuvre de stress-test doit être considérée avec la plus grande prudence, du fait de la complexité de ce type de régulation et des coûts induits in fine pour le consommateur. Si de tels stress-test étaient appliqués, il convient qu’ils :
- soient réalisés à la fréquence annuelle et adossés à l’autorisation de fourniture ;
- n’intègrent pas dans leurs paramètres des chocs (de type hausse des prix) surdimensionnés.
Améliorer la protection des consommateurs
L’AFIEG souscrit également à la proposition de renforcer l’information des consommateurs, notamment sur le risque inhérent à des prix variables, en rappelant cependant que ce risque est également présent dans le cas d’une offre à prix fixe consistant à être bloqué sur un niveau de prix élevé. C’est par ailleurs cette situation qui a été la plus dommageable en 2022 après que les fournisseurs ont été forcés à formuler des offres au plus fort de la crise, en application de la charte des fournisseurs signée par l’AFIEG.
La communauté des fournisseurs d’électricité abonde en faveur d’une meilleure protection du consommateur contre la défaillance de son fournisseur (fournisseur de secours) ou en cas de difficulté à trouver une offre (fournisseur de dernier recours). Dans ce but, l’AFIEG appelle une mise en œuvre claire et distincte de ces deux mécanismes, répondant à deux situations différentes (aucune offre ou défaillance du fournisseur).